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tant pas sur ses comptes une dépense qu’il lui suffisait d’y porter pour être à l’abri de tout reproche ? Mais vous dites que mon frère, successeur de Flaccus, n’a point exigé d’argent pour des rameurs. Sans doute les louanges données à mon frère me flattent ; mais on peut le louer sur des objets plus importants et plus dignes de lui. Il a vu les choses autrement que Flaccus, et il a pris d’autres mesures. Il a jugé qu’aussitôt qu’il entendrait parler des pirates, il équiperait une flotte aussi promptement qu’il le voudrait. Enfin, mon frère est le premier qui, en Asie, ait dispensé les peuples de fournir des rameurs. Or, on ne peut accuser un magistrat que lorsqu’il établit des impositions qui n’avaient pas encore été ordonnées, et non lorsque son successeur change quelque chose aux établissements de ses prédécesseurs. Flaccus ne pouvait savoir ce que feraient après lui les autres ; il voyait ce qu’on avait fait avant lui.

XV. Mais puisque j’ai parlé en général des inculpations de toute l’Asie, je vais m’occuper à présent de chaque ville en particulier. Nous prendrons d’abord la ville d’Acmone. L’appariteur appelle à haute voix les députés d’Acmone. Mais je ne vois paraître que le seul Asclépiade : que les autres paraissent. Avez-vous forcé, Lélius, même l’appariteur, de mentir ? Asclépiade, je le crois, oui, Asclépiade est un homme d’un assez grand poids pour représenter toute sa ville, lui qui, dans sa ville même, a subi d’infamantes condamnations ; lui dont le nom n’est porté sur les registres publics qu’avec des notes flétrissantes. Ses adultères et ses infamies sont consignés dans les registres d’Acmone : je ne les ferai pas lire, à cause de la longueur des articles, et plus encore à cause de l’obscénité des termes. Il a dit, dans sa déposition, que la ville avait payé deux cent six mille drachmes. Il l’a dit sans produire ni preuve ni témoin ; mais il a ajouté ce qu’assurément il aurait dû prouver, puisque la chose lui était personnelle, qu’il avait payé en son nom une pareille somme. L’impudent ! on lui a enlevé plus qu’il ne souhaita jamais de posséder. Il prétend avoir remis cette somme par les mains de Sextilius et par celles de ses frères. Sextilius a pu la remettre ; pour ses frères, ils partagent son indigence. Écoutons donc Sextilius : que les frères eux-mêmes paraissent, qu’ils mentent aussi effrontément qu’ils voudront, qu’ils disent avoir remis ce qu’ils n’eurent jamais ; s’ils se présentent, leurs propres paroles fourniront peut-être de quoi les confondre. Je n’ai pas, dit-il, amené Sextilius. Montrez les registres. Je ne les ai pas apportés. Faites au moins paraître vos frères. Je ne les ai pas sommés de venir. Ainsi donc, ce que le seul Asclépiade, accablé de misère, décrié pour sa vie, diffamé par des arrêts, soutenu seulement de son audace et de son impudence, a dit au hasard, sans registres et sans autorité, nous le redouterons comme une accusation réelle, comme une déposition authentique ? Le même homme disait que le témoignage produit par nous, et donné en faveur de Flaccus par les habitants d’Acmone, n’était d’aucun poids : certes, nous devions souhaiter que cette pièce eût été perdue. En effet, dès que cet illustre représentant de sa ville eut aperçu le sceau public, il nous dit que ses citoyens et les autres Grecs scellaient tout ce qu’on voulait, selon le besoin de la circonstance. Gardez, Asclépiade, gardez le témoignage de votre ville : les mœurs et la réputation de Flaccus n’ont pas besoin d’un tel appui. Vous m’accordez un point