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tré jaloux du genre de gloire dont s’étaient surtout couverts ses aïeux, celle de délivrer sa patrie : puis-je craindre de voir donner un pernicieux exemple dans la cause d’un accusé qui, fût-il coupable de quelque faute, mériterait l’indulgence de tous les bons citoyens ? Loin de réclamer la vôtre, Romains, je vous prie, au contraire, et je vous conjure d’examiner toute la cause avec l’œil le plus attentif et le plus sévère. Vous n’y trouverez rien d’attesté par la religion, rien de fondé sur la vérité, rien d’arraché à un juste ressentiment ; vous n’y trouverez qu’esprit de parti, passion, emportement, cupidité, parjure.

XII. En effet, après vous avoir donné une idée générale des témoins qu’on nous oppose, je veux parcourir en détail leurs plaintes et leurs imputations. Ils se plaignent qu’on a exigé de l’argent des villes pour équiper une flotte. Nous convenons du fait ; mais si c’est là un chef d’accusation, il faut ou que la chose n’ait point été permise, ou que l’on n’ait pas eu besoin de vaisseaux, ou qu’il n’y ait eu aucune flotte en mer sous la préture de Flaccus.

Pour vous convaincre, Lélius, que la chose était permise, écoutez ce que le sénat a ordonné sous mon consulat, conformément aux décrets de toutes les années précédentes. SÉNATUS-CONSULTE. Il faut donc ensuite examiner si l’on avait besoin d’une flotte. Est-ce aux Grecs, est-ce aux nations étrangères à le décider, ou à nos préteurs, à nos commandants, à nos généraux ? Pour moi, je pense que, dans une contrée et dans une province maritime, remplie de ports, environné d’îles, on devait avoir une flotte, non seulement pour la défense, mais encore pour la gloire de cet empire. Tels étaient le système et les vues sublimes de nos ancêtres ; dans leurs maisons, dans leurs dépenses privées, ils se contentaient de peu, ils vivaient simplement : était-il question de l’empire, de la majesté de Rome, ils rappelaient tout à la gloire et à la magnificence. En effet, dans la vie domestique, il faut de la simplicité et de la modestie ; dans les dépenses publiques, de la dignité, de la splendeur. Mais si la flotte était nécessaire même pour la défense, aura-t-on l’injustice de blâmer Flaccus ? Il n’y avait pas de pirates, dit-on. Pouvait-on répondre qu’il n’y en aurait point ? Mais vous diminuez la gloire de Pompée. C’est vous, plutôt, qui exagérez ses devoirs. Pompée a détruit les flottes des pirates, leurs villes, leurs ports, leurs asiles ; il a pacifié la mer avec une valeur admirable et une promptitude inouïe : mais il n’a pris ni dû prendre sur lui, s’il paraissait quelque part le plus petit vaisseau pirate, d’en répondre et d’en porter le blâme. Aussi, lui-même, en Asie, quoiqu’il eût terminé toutes les guerres sur terre et sur mer, exigea-t-il une flotte des mêmes villes. Or, si Pompée a décidé qu’on avait besoin de vaisseaux, lorsque son nom et sa présence pouvaient maintenir partout la sûreté et la paix, que devait, je vous le demande, décider Flaccus après le départ de Pompée ? que devait-il faire ?

XIII. Et nous ici, par le conseil du même Pompée, sous le consulat de Silanus et de Muréna, n’avons-nous pas ordonné qu’on aurait une flotte en Italie ? Dans le même temps que Flaccus exi-