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l’ordinaire si mal fondé, mais un mot de ressentiment ou de plainte ? Et celui-là est accusé de cupidité, qui malgré tant d’occasions de s’enrichir, a rejeté tout gain honteux ; qui, dans une administration si souvent suspecte, dans une ville amie de la médisance, a échappé aux accusations et même aux vains bruits ! Je ne dis pas, ce que je devrais dire, qu’on ne saurait citer aucun trait d’avarice dans sa vie privée, aucun démêlé pour intérêt pécuniaire, rien de bas et de sordide dans l’intérieur de sa maison. Quels témoins puis-je donc opposer aux témoins qui nous chargent, sinon vous-mêmes ? Un villageois du Tmolus, homme inconnu chez nous, et même dans son pays, vous apprendra-t-il quel est Flaccus ? Flaccus, que vous avez reconnu pour le plus sage des jeunes gens ; de grandes provinces, pour le plus intègre des hommes ; nos armées, pour un brave soldat, un commandant sévère, un lieutenant et un questeur désintéressé ; Flaccus, en qui vous avez vu, de vos propres yeux, un sénateur ferme, un préteur équitable, un citoyen dévoué à la république ? Et vous qui devez servir de témoins à d’autres, écouterez-vous d’autres témoins ?

IV. Et quels témoins ? Je dis d’abord ce qui est commun à tous ; des Grecs. Ce n’est pas que je cherche à décrier cette nation ; car s’il en est parmi nos Romains qui aient de l’estime et de l’inclination pour les Grecs, je suis sans doute de ce nombre, et je l’étais plus encore lorsque j’avais plus de loisir. Beaucoup d’entre eux ont de la probité, de la science et de l’honneur ; ceux-là n’ont pas été produits à ce tribunal : beaucoup d’autres, qui sont sans pudeur, sans instruction, sans principes, ont été amenés ici pour différents motifs. Voici d’ailleurs ce que je pense des Grecs en général : je leur accorde la gloire des lettres ; je leur reconnais des connaissances étendues et variées ; je ne leur refuse pas l’agrément du langage, la pénétration de l’esprit, la richesse de l’éloquence ; enfin, s’ils s’attribuent encore d’autres qualités, je ne m’y oppose pas. Quant à la bonne foi et au scrupule dans les témoignages, ils ne s’en piquèrent jamais ; et ils ignorent de quelle force, de quel poids, de quelle conséquence est une déposition juridique. Cette parole, prête-moi ton témoignage, à charge de revanche, vient-elle de l’Espagne ou de la Gaule ? Non, c’est aux Grecs seuls qu’elle appartient ; et ceux mêmes qui n’entendent pas la langue, savent comment cela se dit en grec. Aussi voyez avec quel air, avec quelle assurance ils déposent : vous jugerez alors de leur scrupule. Ils ne répondent jamais précisément à ce que nous leur demandons ; ils répondent toujours à l’accusateur plus qu’il ne leur demande. Ce qui les embarrasse, ce n’est pas de ne rien dire qui ne soit reconnu vrai ; c’est la manière de le dire. M. Lurcon a déposé contre Flaccus, irrité, comme il en convenait lui-même, de ce qu’il avait rendu contre son affranchi une sentence infamante. Retenu par la religion du serment, il n’a rien dit qui pût nuire à Flaccus, malgré le désir qu’il en avait. Dans le peu qu’il a dit, quel était son embarras ! comme il tremblait ! comme il pâlissait ! Quel homme vif que P. Septimius ! combien il était animé contre Flaccus, à cause de la condamnation de son fermier ! Il hésitait néanmoins dans sa déposition ; sa conscience combattait quelquefois son ressentiment. M. Célius était ennemi de Flaccus, parce que celui-ci, dans une cause dont le résultat ne pou-