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Quand vous serez parvenu à stigmatiser son adolescence, à flétrir le reste de sa vie ; quand vous aurez prouvé qu’il a dissipé son patrimoine, qu’il s’est dégradé par ses turpitudes domestiques, et déshonoré aux yeux de Rome ; que dans les provinces qui se souviennent de lui, en Espagne, en Gaule, en Cilicie, en Crète, il a affiché le vice et l’infamie ; alors seulement faites paraître contre L. Flaccus vos témoins du Tmolus et de Lorénum, et nous voudrons bien les entendre.

Non, Romains, un accusé dont tant de provinces importantes demandent le salut, dont une foule de citoyens de toutes les parties de l’Italie, unis avec lui par les liens d’une ancienne amitié, prennent la défense ; que Rome, notre mère commune, reconnaissante du bienfait le plus signalé, couvre d’une protection maternelle ; l’Asie entière demandât-elle son supplice, je n’hésiterais pas à résister à ses accusateurs et à défendre sa cause. Mais s’il est prouvé que ce n’est point l’Asie entière ; si les témoins ne sont ni irréprochables ni à l’abri de tout soupçon ; s’ils ne sont point venus d’eux-mêmes ; si le droit, la coutume, la vérité, la religion, l’équité, n’ont pas été respectés ; si l’on trouve partout des traces de précipitation, d’intrigue, de passion, de violence, de sacrilège ; si la légèreté, la corruption, l’indifférence vous ont envoyé des témoins sans fortune et sans garantie ; et que l’Asie elle-même ne puisse faire entendre ici aucune plainte légitime ; faut-il, juges, que ces dépositions d’un moment vous fassent oublier ce qui, depuis tant d’années, s’est passé sous vos yeux ?

Je suivrai donc, dans ma défense, cette marche que veut éviter l’ennemi de Flaccus ; je presserai, j’interrogerai l’accusateur, et je lui demanderai avec instance une accusation. Eh bien ! Lélius, que pouvez-vous objecter de sérieux ? Flaccus n’a point passé sa jeunesse dans l’ombre des écoles, ni dans les études et les exercices de cet âge. Encore enfant, il a suivi dans les campagnes son père alors consul. A-t-il abusé du crédit de sa famille ?

Quels reproches, Lélius, faites-vous à un tel homme ? En Cilicie, il a été tribun militaire sous Servilius : on n’en parle pas. En Espagne, il a été questeur de Pison : nulle mention de sa questure. Il a fait en grande partie et soutenu la guerre de Crète avec un illustre général : l’accusation se tait sur cette circonstance de sa vie. Quel objet étendu que l’administration de la justice dans la préture ! combien il attire d’ennemis ! à combien de soupçons il expose ! On n’y touche point. Et même la conduite de Flaccus dans cette préture, à une époque où la république était exposée aux plus affreux périls, est louée par ses ennemis.

Mais des témoins l’accusent. Avant de dire quels sont ces témoins, par quelles espérances, par quels motifs, par quels moyens violents on les anime, quelle est leur légèreté, leur indigence, leur perfidie, leur audace, je vais parler des témoins en général, et du malheur auquel nous sommes tous exposés. Au nom des dieux, je vous le demande, Romains, pour savoir comment Flaccus, qui venait de rendre la justice à Rome, l’a rendue l’année d’après en Asie, vous en rapporterez-vous à des témoins inconnus ? ne jugerez-vous rien par conjecture ? Dans un ressort aussi étendu, combien Flaccus n’a-t-il pas rendu d’ordonnances ? combien n’a-t-il pas choqué d’hommes puissants ? Toutefois a-t-on jamais produit, je ne dis pas un simple soupçon, pour