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plus justes ressentiments en faveur des services que leurs ennemis avaient rendus à la patrie, comment aurais-je pu croire qu’un ami de la république, qui ne pouvait plus douter de l’amour de Flaccus pour elle, sans avoir reçu de lui aucune injure, se déclarât tout à coup son ennemi ? Mais puisque dans nos propres affaires, comme dans les affaires publiques, nos espérances ne nous ont que trop souvent trompés, nous nous soumettons, juges, à la fatalité de notre sort ; nous vous prions seulement d’être convaincus que toutes les ressources de l’État, toute la constitution de Rome, l’autorité des exemples anciens, la sûreté du présent, l’espoir de l’avenir, dépendent ici de vous et de votre décision. Si jamais la république a eu besoin d’implorer la sagesse, les lumières, la vigilance et la gravité des juges, c’est aujourd’hui, oui, c’est aujourd’hui qu’elle les implore.

II. Ce n’est pas pour venger les injures des Lydiens, des Mysiens ou des Phrygiens, qui ne sont amenés ici que par séduction ou par force, que vous allez prononcer, mais pour assurer l’état de votre république, le gouvernement de Rome, le salut commun, l’espérance de tous les bons citoyens, s’il leur reste encore quelque espérance pour soutenir leur courage. Tous les autres refuges de la vertu, les autres ressources de l’innocence, les autres forces de la république, ses autres moyens, ses appuis et ses droits sont anéantis. À quel autre tribunal m’adresser ? qui supplier ? qui implorer ? Le sénat ? mais lui-même a recours à vous ; il sent que le maintien de son autorité dépend de vos arrêts. Les chevaliers romains ? cinquante de nos juges, les principaux de l’ordre équestre, vont déclarer s’ils partagent les sentiments de l’ordre entier. Implorerai-je enfin le peuple ? mais le peuple vous a abandonné tout son pouvoir sur le sort des bons citoyens. Ainsi donc, si nous ne conservons point devant vous et par vous, je ne dis pas notre dignité, qu’on nous a ravie, mais notre sûreté qui ne tient plus qu’à une frêle espérance, il ne nous reste aucun autre asile. Ne voyez-vous pas, en effet, quelles vues, quels projets on a dans cette cause, et de quelle autre cause on y jette les fondements ? On a condamné le citoyen qui a fait périr Catilina marchant contre sa patrie, à la tête d’une armée : pourquoi celui qui a chassé Catilina de Rome ne craindrait-il pas ? On sollicite la punition du citoyen qui a surpris les indices de la ruine commune : quelle assurance aura celui qui les a mis au grand jour ? On persécute les agents et les ministres d’une grande mesure : les auteurs et les chefs, à quoi doivent-ils s’attendre ? Eh ! plût aux dieux que nos ennemis, les ennemis de tous les gens de bien, voulussent m’attaquer moi-même ! on verrait si tous ceux qui ont alors veillé au salut commun n’ont pas été mes guides plutôt que mes auxiliaires……

Lacune considérable.

III…… Croirez-vous des étrangers, quand sa vie privée et son caractère sont là pour répondre ? Non, je ne souffrirai pas, Lélius, que vous vous arrogiez ce droit, et que vous nous imposiez aujourd’hui, que vous imposiez à d’autres pour l’avenir, de telles lois et de telles conditions….