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XVIII. Mais Sylla est accusé par le fils de C. Cornélius ; c’est, dit-on, comme s’il était dénoncé par le père. Sage père, qui renonce au salaire des dénonciateurs, et se charge, par l’accusation de son fils, de la honte d’un aveu ! Mais enfin que dénonce Cornélius par la bouche de son fils, par la bouche d’un enfant ? Si c’est une chose que j’ignore, et qui ait été communiquée à Hortensius, qu’Hortensius réponde. Mais si tu parles de la troupe qui accompagnait Autronius et Catilina, lorsque dans le Champ de Mars, où je tenais les comices consulaires, ils voulurent procéder par le carnage, nous avons vu alors Autronius. Que dis-je, nous l’avons vu ? c’est moi qui l’ai vu, Romains. En ce moment, vous n’aviez aucune inquiétude, aucun soupçon ; moi, protégé par un nombreux cortège d’amis, je repoussai les satellites et les tentatives de Catilina et d’Autronius. Est-il donc quelqu’un qui prétende que Sylla ait seulement eu l’idée de venir au Champ de Mars ? et cependant, s’il était alors associé par le crime à Catilina, pourquoi s’écartait-il de lui ? Pourquoi n’était-il pas avec Autronius ? pourquoi dans une même cause, ne retrouve-t-on pas les mêmes indices, les mêmes motifs d’accusation ? Mais puisque Cornélius hésite encore à présent, comme vous le dites, à le dénoncer lui-même, et qu’il forme les premiers traits d’une dénonciation par les mains de son fils, que dit-il enfin de cette nuit qui suivit le lendemain des nones de novembre, l’année de mon consulat, de cette nuit où, sur les ordres de Catilina, il se rendit chez M. Léca, dans le quartier où se vendent les faux ? De toutes les époques de la conjuration, cette nuit fut la plus active et la plus affreuse. Alors fut réglé quel jour partirait Catilina, à quelles conditions les autres resteraient ; alors fut organisé le plan de massacre et d’incendie par toute la ville. Alors, ton père, Cornélius, ce qu’il avoue enfin, se chargea de la commission officieuse de venir saluer le consul dès le grand matin, de s’introduire chez moi à l’heure où je recevais, et en qualité d’ami, puis de m’égorger dans mon lit.

XIX. À cette époque, où les feux de la conjuration étaient dans toute leur violence, où Catilina sortait de Rome pour aller joindre son armée, où Lentulus était laissé dans la ville, où Cassius était chargé de l’incendie, Céthégus du massacre ; lorsque Autronius avait mission d’occuper l’Ëtrurie ; lorsque tout se réglait, se décidait, se préparait, où était Sylla, Cornélius ? à Rome ? Non, il en était bien loin. Dans les contrées où se portait Catilina ? Bien plus loin encore. Dans le territoire de Camésinum, dans le Picentin, dans la Gaule, que cette fureur contagieuse avait surtout envahis ? Non : il était, comme je l’ai déjà dit, à Naples, dans la partie de l’Italie alors la moins suspecte. Que nous dénonce donc, que nous apprend, ou Cornélius lui-même, ou vous accusateurs qu’il a chargés de parler pour lui ? Que des gladiateurs ont été achetés, sous le nom de Faustus, pour l’émeute et le massacre. — Oui sans doute, ces gladiateurs ne sont qu’un prétexte ; car nous voyons qu’ils sont exigés par le testament de son père. On a, dites-vous, brusqué l’achat d’une troupe, sans laquelle une autre troupe aurait pu donner les jeux de Faustus. — Puisse-t-il même avec ce secours satisfaire la sévérité de ses envieux, et même l’attente des spectateurs équitables ! — Pourquoi tant de précipitation ? le temps des jeux était éloigné. — Comme