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rouve aux jeux, aux spectacles de gladiateurs, aux festins et à tous ces divertissements institués par nos ancêtres. Laissez les candidats exercer une bienveillance qui prouve plutôt de la générosité que de coupables largesses.

XXXVII. Mais, dites-vous, c’est l’intérêt de l’État qui vous a fait accusateur : je le crois, Caton ; c’était là votre intention première ; mais l’excès de votre zèle vous égare. Pour moi, juges, si je défends Muréna, ce n’est pas seulement à cause de son mérite et de l’amitié qui nous unit ; c’est surtout, je le dis hautement, je le proteste, pour assurer la paix, le repos, la liberté, le salut et la vie de tous les citoyens. Écoutez, écoutez un consul, qui peut dire sans présomption que le salut de la république occupe nuit et jour toutes ses pensées. Catilina ne méprisait pas assez la république pour se flatter d’opprimer Rome avec cette poignée de brigands qu’il a emmenés avec lui. La contagion de son crime s’étend plus loin qu’on ne pense. Elle a gagné de nombreux complices. Dans Rome, oui, dans Rome, est le cheval de Troie ; mais tant que je serai consul, jamais on ne vous surprendra pendant votre sommeil. Vous me demandez si je crains encore Catilina : non, et j’ai pris des mesures pour que personne n’eût à le craindre : mais ce qu’il faut redouter, ce sont, je vous le dis, les troupes qu’il a laissées au milieu de nous ; l’armée de Catilina est aujourd’hui moins à craindre que ses prétendus déserteurs. Loin d’avoir abandonné leur chef, c’est par ses ordres qu’ils sont restés en embuscade, épiant le moment de fondre sur nous. Effrayés d’avoir à combattre un consul intègre, un général habile que son caractère et ses intérêts attachent au salut de la patrie, ils veulent que, par vos suffrages, il soit arraché du poste où il aurait défendu votre ville et sauvé l’État. Au Champ de Mars, j’ai repoussé l’audace et le fer de ces factieux ; au forum, j’ai terrassé leur fureur ; dans ma propre maison, j’ai évité leurs coups : si vous leur livrez un consul, votre arrêt les servira mieux que leurs poignards.

Il est très-important, juges, et je l’ai demandé, je l’ai obtenu, malgré de vives oppositions, que la république ait deux consuls aux calendes de janvier. Non, gardez-vous de le croire, ce n’est point par de timides complots, par des voies communes, par une loi dangereuse ou-de criminelles largesses que l’on prépare aujourd’hui le renversement de l’État : c’est dans Rome même qu’on médite la ruine de Rome, le massacre de ses habitants, l’extinction du nom romain. Et ces attentats, ce sont des citoyens, oui, juges, des citoyens (s’il est permis de profaner ainsi ce nom), qui les ont médités et les méditent encore. Chaque jour, je déjoue leurs complots, je réprime leur audace, j’arrête leur fureur. Mais je vous en avertis, Romains, mon consulat touche à sa fin ; ne m’enlevez pas un successeur d’une vigilance digne de la mienne ; ne m’enlevez pas un magistrat à qui je veux remettre la république intacte, pour qu’il la préserve à son tour de tous ces dangers.

XXXVIII. Ne voyez-vous pas, juges, quel nouveau malheur va se joindre à tous les autres ? Caton, Caton, je vous le demande, ne pressentez-vous pas les orages de votre tribunat ? Déjà, dans l’assemblée d’hier, a retenti la voix sinistre du tribun désigné, votre collègue ; c’est le même