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est douteux, et de prononcer sur ce que personne ne révoque en doute. Le sénatus-consulte a été rendu à la requête de tous les candidats, et il est impossible de dire contre qui, ou en faveur de qui on l’a décrété. Prouvez donc que Muréna a commis les actes dont il s’agit ; et je conviendrai avec vous qu’il a enfreint la loi.

XXXIII. Au retour de sa province, quand il s’est présenté pour demander le consulat, une foule nombreuse s’est portée à sa rencontre ; c’est l’usage. Au-devant de qui ne va-t-on pas ? Mais quelle était cette multitude ? En premier lieu, me fût-il impossible de vous donner satisfaction sur ce point, pourquoi s’étonner que l’arrivée d’un tel candidat, d’un candidat consulaire, ait attiré un nombreux concours ? Le contraire serait bien plus surprenant. Si j’ajoutais que, conformément à l’usage, plusieurs y furent invités, est-ce un crime, une chose inouïe que, dans une cité où souvent nous consentons volontiers à accompagner sur leur prière les fils des hommes les plus obscurs, au lever du soleil, et d’un bout de la ville à l’autre, on n’ait fait aucune difficulté de venir au Champ de Mars, à la troisième heure du jour, pour se rendre à l’invitation d’un homme tel que Muréna ? Et si je vous disais qu’on y a vu toutes les compagnies des fermiers publics, et parmi elles plusieurs de nos juges ; si les membres les plus distingués de notre ordre s’y trouvaient, si le peuple entier des candidats, ces hommes officieux qui font une escorte d’honneur à tous ceux qui entrent dans la ville ; si enfin notre accusateur Postumius y est venu lui-même avec toute sa suite : qu’y aura-t-il de surprenant dans cette affluence ? Je ne parle ni des clients de Muréna, ni de ses voisins, ni des hommes de sa tribu, ni de toute l’armée de Lucullus, qui était venue pour le triomphe ; je dis seulement que l’hommage désintéressé de ce concours n’a jamais manqué aux hommes de mérite ni même à ceux qui ont désiré l’obtenir.

XXXIV. Mais ce cortège a continué à le suivre. Prouvez-moi qu’il était soudoyé, et je conviendrai du délit ; sinon, que nous reprochez-vous ? A quoi bon ce cortège ? C’est me demander, à quoi bon un usage reçu ? Les citoyens d’un ordre inférieur n’ont qu’un moyen de mériter ou de reconnaître les services des personnes de notre ordre : c’est le zèle et l’empressement dont ils font preuve, quand nous sollicitons les charges. Il est impossible d’attendre et d’exiger des sénateurs et des chevaliers romains, qu’ils accompagnent leurs amis pendant des journées entières. S’ils nous font de fréquentes visites, s’ils nous conduisent quelquefois au forum, s’ils veulent bien faire avec nous un seul tour dans la basilique, c’est de leur part une haute marque d’estime et de considération ; mais une cour plus assidue, nous ne pouvons l’attendre que d’amis d’un rang inférieur et de clients désœuvrés, et cette affluence n’a jamais manqué aux citoyens bons et bienfaisants.

N’allez donc pas, Caton, enlever aux dernières classes du peuple ce fruit de leur zèle. Souffrez que ceux qui ont en nous toute leur espérance, puissent avoir aussi quelque chose à nous offrir. S’ils n’ont que leurs suffrages, c’est bien peu, car ils n’influent en rien sur les suffrages des