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s’apaisera avec le temps et s’adoucira avec l’âge. En effet, ces précepteurs que vous avez suivis, ces professeurs de vertu ont porté les devoirs de l’homme au delà des bornes prescrites par la nature, afin que notre esprit, en voulant atteindre à la perfection la plus haute, s’arrêtât au point marqué par la raison. Vous ne pardonnerez jamais. Non, pardonnez quelquefois, mais pas toujours. Vous n’accorderez rien à la faveur. Non, mais sachez lui résister, quand le devoir et l’équité l’ordonnent. Vous serez sourd à la pitié. Oui, si elle doit affaiblir l’autorité des lois, mais cependant l’humanité est une vertu. Vous persisterez dans votre sentiment. Oui, sans doute, tant que vous n’en connaîtrez pas de meilleur.

Tel fut Scipion qui, comme vous, se faisait honneur de ces maximes, et qui avait chez lui un homme d’un savoir profond, presque divin. Mais les leçons et les préceptes de ce philosophe, quoique conformes aux préceptes qui font vos délices, au lieu d’endurcir son caractère, en firent, comme je l’ai entendu dire aux vieillards, le plus doux et le plus indulgent des hommes. Lélius avait suivi la même école : qui jamais sut aussi bien que lui allier la gravité à la douceur, d’amabilité à la sagesse ! Je pourrais en dire autant de L. Philippus et de C. Gallus ; mais j’aime mieux vous ramener dans votre famille. Quel homme, dites-moi, eut jamais, dans toutes les relations sociales, plus de bienveillance, plus d’amabilité, plus de douceur que M. Caton, votre bisaïeul ; lui dont vous avez dit vous-même, en faisant de ses hautes vertus un éloge également noble et vrai, que vous vous le proposiez comme un exemple domestique ? Oui, sans doute, vous avez dans votre maison un modèle admirable ; toutefois, si la conformité de caractère et les liens du sang vous donnent plus qu’à personne de nous l’avantage de lui ressembler, ce n’est pas moins un devoir pour moi que pour vous d’imiter ses vertus. Et vous, si vous mêliez à l’austérité de votre sagesse une teinte légère de sa douceur et de son aménité, toutes vos qualités, sans devenir meilleures, puisqu’elles sont parfaites, en paraîtraient du moins plus aimables.

XXXII. Ainsi, pour en revenir à ce que j’ai déjà dit, retranchez de cette cause le nom de Caton ; écartez, oubliez un crédit qui, en justice, doit être nul ou servir à protéger le malheur. Venons-en aux griefs eux-mêmes. Quel est le délit ? que dénoncez-vous ? que prétendez-vous ? Vous vous élevez contre la brigue ? Je ne la défends pas. Vous me reprochez de défendre un délit que j’ai proscrit par une loi. J’ai proscrit la brigue et non l’innocence. Accusez la brigue, je me joins à vous. Un sénatus-consulte, dites-vous, a déclaré, sur mon rapport, que les candidats qui donneraient de l’argent pour qu’on vînt à leur rencontre, qui se feraient suivre d’un cortège de gens soudoyés, qui distribueraient à des tribus entières des places aux combats de gladiateurs ou donneraient des repas au peuple, auraient violé la loi Calpurnia. Le sénat regarde en effet tous ces actes, quand ils ont lieu, comme une violation de la loi ; en cela, il statue pour plaire aux candidats, ce qui n’avait pas besoin d’être réglé. Le fait a-t-il eu lieu ou non, voilà ce qu’il est important de prouver ; s’il est constaté, nul doute qu’il n’y ait contravention. Il est donc ridicule de laisser sans examen ce qui