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l’on accuse. Je veux qu’un candidat, surtout celui qui aspire à la dignité consulaire, se présente au forum et au Champ de Mars, avec confiance, espoir, et entouré d’un nombreux cortège ; je n’aime pas en lui cet esprit d’inquisition, qui est le présage d’un échec ; je n’aime pas qu’il cherche des témoins plutôt que des suffrages, qu’il menace au lieu de caresser, qu’il déclame quand il devrait solliciter, surtout depuis qu’un usage nouveau s’est introduit, celui de parcourir les maisons des candidats, pour tâcher de surprendre sur leur visage les espérances et les ressources de chacun. Voyez-vous, dit-on, comme il est triste et abattu ? Le découragement, la défiance lui ont fait jeter les armes. Puis circulent ces bruits : « avez-vous qu’il médite une accusation ? qu’il informe contre ses compétiteurs ? qu’il cherche des témoins ? J’en nommerai un autre, puisque lui-même il désespère. » Qu’arrive-t-il à de tels candidats ? Leurs amis les plus intimes se relâchent, leur zèle s’affaiblit, ils abandonnent un homme qui désespère lui-même, ou réservent leurs bons offices et leur crédit pour le jugement et l’accusation.

XXII. Ce n’est pas tout : le candidat lui-même ne peut appliquer à sa demande tout son esprit, tous ses soins, toute son activité. Il est distrait par la pensée de l’accusation, qui, loin d’être une petite affaire, est au contraire la plus sérieuse de toutes. C’est une grande tâche de préparer tous ses griefs pour faire bannir un citoyen, et un citoyen riche et puissant, qui, par lui-même, par les siens, ou même par des personnes étrangères, a toujours tant de moyens de défense. Dès qu’un homme est en péril, nous volons tous à son aide, et à moins d’inimitié déclarée, un accusé, quelque étranger qu’il nous puisse être, trouve en nous des défenseurs aussi zélés que dans ses meilleurs amis. Aussi moi, qui connais par ma propre expérience tous les désagréments d’une candidature, d’une défense et d’une accusation, j’ai vu qu’il faut au candidat l’assiduité la plus soutenue ; au défenseur, le zèle le plus actif ; à l’accusateur, une laborieuse persévérance. Aussi je soutiens qu’il est impossible au même homme de briguer avec succès le consulat et de concerter en même temps une accusation. Peu d’hommes sont capables de suffire à l’une de ces tâches ; personne, à toutes les deux à la fois. En oubliant votre rôle de. candidat pour vous faire accusateur, avez-vous donc pensé pouvoir remplir cette double tâche ? vous vous êtes étrangement trompé. S’est-il passé un jour, depuis que vous êtes entré dans cette voie d’accusation, que vous n’ayez consacré tout entier à ces pénibles soins ?

XXIII. Vous avez sollicité une loi sur la brigue, dont vous n’aviez pas besoin : la loi Calpurnia était déjà assez sévère. Cependant on s’est rendu à vos désirs, par déférence pour votre caractère. Mais cette loi, qui aurait fourni des armes à votre accusation, si Muréna eût été coupable, a été nuisible à vos intérêts de candidat. Vous avez exigé une peine plus forte contre le peuple ; les dernières classes se sont alarmées. Vous avez demandé l’exil contre ceux de notre ordre, le sénat y a consenti ; mais ce n’est pas sans répugnance qu’il a cédé à vos sollicitations pour rendre plus dure notre condition commune. Vous avez attaché une peine à l’excuse pour cause de maladie : cette mesure a mécontenté beaucoup de gens qui se trouvent dans l’alternative d’agir au préjudice de leur santé, ou de payer l’amende parce qu’ils sont malades. Mais enfin qui donc a porté cette loi ? Celui qui n’a fait qu’obéir à votre volonté et à l’autorité du sénat ; celui qui n’y avait aucun intérêt personnel. Pensez-vous que les pro-