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de l’accusateur, n’obtiennent aucune confiance. D’ailleurs votre cupidité aurait été un peu plus secrète et plus cachée. À présent qu’a-t-on besoin de vous entendre, quand l’un et l’autre vous semblez, dans tout-ce que vous faites, prendre à tâche de nous servir nous-mêmes contre vous ? Reprenons la suite des événements.

XXXVII. Quatre jours après le meurtre de Roscius, cette nouvelle parvient à Chrysogonus, au camp de Sylla, près de Volaterre. On demande encore ici, qui envoya le courrier ? N’est-il pas évident que c’est le même qui avait envoyé celui d’Amérie ? À l’instant Chrysogonus fait procéder à la vente des biens, lui qui ne connaissait ni la personne ni la fortune de Roscius. Mais comment lui est-il venu dans la pensée de convoiter les propriétés d’un homme qu’il ne connaissait pas et qu’il n’avait jamais vu ? Juges, en de pareilles occasions, vous vous dites à vous-mêmes : il faut absolument qu’un habitant de la ville ou qu’un homme des environs ait parlé. Ce sont eux qui donnent ces indications ; c’est le plus souvent par eux qu’on est décelé. Vous n’avez à former ici aucun soupçon de cette nature ; car je ne vous dirai pas : Il est vraisemblable que les Roscius ont donné ces informations à Chrysogonus ; dès longtemps ils sont liés avec lui ; les Roscius ont négligé tous les amis de leur famille, ils ont cessé de cultiver et d’honorer leurs anciens patrons, pour devenir les protégés et les clients de Chrysogonus.

En raisonnant ainsi, je dirais la vérité, mais dans cette cause nous n’en sommes pas réduits aux conjectures. Ils ne nient pas, j’en suis certain, que c’est à leur instigation que Chrysogonus s’est mis en possession des biens. Si je vous fais voir de vos propres yeux celui qui a reçu le prix de la dénonciation, pourrez-vous encore méconnaître le dénonciateur ? Or, à qui Chrysogonus a-t-il fait part de ces biens ? — Aux deux Roscius. — À qui encore ? — À nul autre. Peut-on douter que la proie n’ait été offerte à Chrysogonus par ceux qui ont reçu de lui une portion de la proie ?

Considérons à présent ce qu’en a jugé Chrysogonus lui-même. Si dans ce combat les deux Roscius n’avaient pas rendu quelque service essentiel, pourquoi les a-t-il si magnifiquement récompensés ? S’ils n’ont fait que l’informer du meurtre, n’était-ce pas assez de les remercier, ou tout au plus, pour agir très généreusement, de leur accorder une gratification ? Pourquoi trois domaines si riches sont-ils à l’instant même donnés à Capiton ? Pourquoi Titus possède-t-il tous les autres en commun avec Chrysogonus ? N’est-il pas évident que, bien instruit des faits, Chrysogonus a reconnu leurs droits à cette portion du butin ?

XXXVIII. Capiton se transporte au camp avec les autres députés d’Amérie. Par cette députation même, connaissez la vie entière, le caractère et la moralité de cet homme. Si vous ne voyez clairement qu’il n’est pas de devoirs, de droits si saints, si respectables qu’ils puissent être, que ce fourbe et ce traître n’ait violés et profanés, prononcez qu’il est un très honnête homme. Il empêche que Sylla ne soit instruit des faits ; il révèle à Chrysogonus les desseins et les intentions