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CICÉRON.

voir la chute de Rome et de l’empire. Les Gaulois ont ajouté que Céthégus et les autres conjurés avaient différé d’opinion sur un point : Lentulus et les autres voulaient fixer aux Saturnales le massacre et l’incendie ; Céthégus trouvait ce terme trop éloigné.

V. Mais abrégeons ce récit. Je fais produire les lettres attribuées à chacun des accusés. Céthégus est le premier auquel je montre son cachet ; il le reconnaît. J’ouvre la lettre, et j’en fais lecture. Elle était écrite de sa main. Il y promettait au sénat et au peuple des Allobroges de tenir la parole qu’il avait donnée à leurs ambassadeurs. Il les priait de remplir de leur côté les engagements contractés par ceux-ci peu de moments auparavant. Céthégus, pour se justifier d’avoir eu chez lui un amas d’épées et de poignards, venait de répondre qu’il avait toujours été curieux de bonnes lames. Mais à la lecture de sa lettre, atterré, confondu, accablé par le témoignage de sa conscience, il reste muet.

Statilius est introduit ; il reconnaît son cachet et sa main. On lit la lettre ; elle était conçue dans le même esprit. Il avoue sans résistance. Je fais venir Lentulus, et lui montrant la sienne, je lui demande s’il en reconnaît le sceau. Sur son aveu : En effet, lui dis-je, cette empreinte est facile à reconnaître : c’est l’image de ton aïeul ; l’image d’un grand homme, dévoué à sa patrie et à ses concitoyens. Elle aurait dû, toute muette qu’elle est, te détourner d’un si noir attentat. Sa lettre au sénat et au peuple des Allobroges est lue comme les précédentes. Je lui permets de parler, s’il a quelque chose à répondre. Il commence par nier. On lui met sous les yeux toutes les pièces de conviction. Alors il se lève, et demande aux Gaulois quelle affaire il avait avec eux, et pour quel motif ils étaient venus chez lui. Il fait la même question à Vulturcius. Ceux-ci répondent en peu de mots et sans se troubler. Ils disent le nom de leur introducteur, le nombre de leurs visites ; ils demandent à Lentulus s’il ne leur a jamais parlé des livres sibyllins. À ce mot, le délire du crime égare sa raison, et révèle tout le pouvoir de la conscience. Il pouvait nier ce propos, et tout à coup, au grand étonnement de l’assemblée entière, il l’avoue. Effet irrésistible de l’évidence sur l’âme d’un coupable : il ne retrouve plus en ce moment critique ce talent oratoire qui le distingua toujours. Même cette impudence et cette effronterie, qui n’eurent jamais rien d’égal, l’ont abandonné. En cet instant, Vulturcius demande qu’on produise et qu’on ouvre la lettre que Lentulus lui avait remise pour Catilina. Malgré le trouble violent qui l’agite, Lentulus reconnaît son cachet et sa main. La lettre sans signature était ainsi conçue : « Celui que je t’envoie t’apprendra qui je suis. Sois homme ; songe quel pas tu as fait, et vois à quoi t’oblige désormais la nécessité. Aie soin de prendre partout des auxiliaires, même dans les rangs les plus bas. »

Gabinius, amené à son tour, nie d’abord avec impudence, et finit par convenir de tout ce que lui imputaient les Gaulois.

Voilà sans doute, citoyens, des preuves manifestes et des témoignages irrécusables du crime,