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empire ; et d’abord, opposez à ce gladiateur, déjà frappé à mort, vos consuls et vos généraux. Ensuite, faites marcher contre ces bandes méprisables, vil rebut de la fortune et de la société, l’élite et la fleur des guerriers d’Italie. Nos colonies et nos villes municipales valent bien sans doute les hauteurs et les bois qui lui serviront de forteresses. L’empire a mille autres sources de force et de grandeur, que je ne dois pas comparer avec la détresse et le dénuement de ce brigand. Laissons donc à part tout ce qui est pour nous et contre lui, le sénat, les chevaliers romains, le peuple, la ville, le trésor public, les revenus de l’État, l’Italie entière, toutes les provinces, les nations étrangères ; et bornons-nous à comparer entre elles les deux causes rivales : ce parallèle nous fera voir quel mépris nous devons à de si faibles ennemis. La guerre est déclarée entre la pudeur et l’impudence, les bonnes mœurs et les mauvaises, la probité et la fraude, la piété et le crime, le calme et la fureur, l’honneur et l’opprobre, la continence et les plus viles passions. L’équité, la tempérance, le courage, la prudence, et toutes les vertus sont aux prises avec l’injustice, la débauche, la lâcheté, la témérité, et tous les vices. Enfin, c’est la lutte de l’opulence avec la misère, de la raison avec le délire, de la sagesse avec la folie, de l’espérance avec le désespoir. Dans cette guerre étrange et ce combat inégal, dussent les hommes faillir à la bonne cause, les dieux eux-mêmes ne sont-ils pas intéressés à voir les vices abattus et les vertus triomphantes ?

XII. Continuez donc, citoyens, de veiller à la garde de vos maisons : c’est moi qui veille à celle de la ville, et je vous promets d’en assurer la défense, sans troubler un instant votre repos. Toutes vos colonies, toutes les villes municipales, instruites par mes soins de la sortie nocturne de ce brigand, défendront aisément leurs murs et leur territoire. Les gladiateurs, parmi lesquels il comptait trouver ses bandes les plus sûres et les plus nombreuses, les gladiateurs, quoique mieux intentionnés que bien des patriciens, seront pourtant contenus par la force. Q. Métellus, que j’ai, par une prévoyance que l’événement justifie, envoyé dans le Picénum et la Gaule cisalpine, écrasera l’ennemi, ou le serrera de si près, qu’il ne pourra faire un mouvement. Quant aux autres mesures qu’il faut ou ordonner, ou hâter, on prévoir, je vais prendre l’avis du sénat, que vous voyez prêt à s’assembler.

Je reviens maintenant à ceux qui sont restés dans Rome ; disons mieux, à ceux qu’y a laissés Catilina pour la perte commune et de Rome et de vous tous qui l’habitez. Ce sont des ennemis sans doute, mais ils sont nés citoyens, et à ce titre je veux encore leur prodiguer mes conseils. Ma clémence a pu jusqu’ici passer pour faiblesse : elle attendait que le voile fût enfin déchiré. Mais je ne peux oublier plus longtemps que c’est ici ma patrie, que je suis le consul de ceux qui m’entendent ; que je dois vivre avec eux, ou mourir pour eux. Les portes ne sont point gardées, les chemins sont libres ; si quelqu’un veut sortir, il peut prendre son parti. Mais quiconque osera remuer dans la ville, quiconque fera, je ne dis pas une action, mais un simple projet, mais la moindre tentative contre la patrie, sentira que Rome a des consuls vigilants, des magistrats dévoués, un sénat ferme et courageux ; qu’elle a des armes ; qu’elle a une prison, lieu de supplice destiné