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mencé la guerre ! En effet, je le crois, c’est en son propre nom qu’un Mallius, un simple centurion, campé près de Fésules, a déclaré la guerre au peuple romain ! ce n’est pas Catilina que cette armée attend pour général ! ce n’est pas dans ce camp, c’est à Marseille que cet infortuné va porter son exil !

VII. Oh ! qu’il en coûte, je ne dis pas seulement pour gouverner l’État, mais pour le sauver ! Je suppose qu’aujourd’hui Catilina, surpris par ma vigilance, déconcerté par mes efforts et mon dévouement, s’effrayât tout à coup, changeât de résolution, abandonnât ses complices, renonçât à ses projets de guerre, quittât le chemin du crime et de la rébellion, pour prendre celui de la fuite et de l’exil, ce ne serait plus un scélérat dont j’aurais désarmé l’audace, un rebelle que ma fermeté aurait confondit, glacé d’effroi, frustré de ses coupables espérances ; ce serait un innocent, exilé sans procès, chassé par la violence et les menaces du consul. Que de gens alors, au lieu de détester ses crimes, déploreraient son malheur ; au lieu de louer mon zèle, me peindraient comme le plus cruel des tyrans ! Eh bien, Romains, dussent gronder sur ma tête tous les orages de la haine et d’une injuste prévention, je saurai les braver, pourvu que j’éloigne de vous l’orage bien plus terrible de cette guerre sacrilège. Qu’on dise que je l’ai chassé, pourvu qu’il aille en exil. Mais il n’ira pas, vous pouvez m’en croire. Me préserve le ciel de jamais appeler de mes vieux, pour fermer la bouche à la calomnie, la funeste nouvelle que L. Catilina s’avance à la tête d’une armée de rebelles ! Cette nouvelle pourtant, vous l’apprendrez avant trois jours ; et si je crains qu’il ne s’élève dans la suite des clameurs contre moi, c’est moins pour l’avoir chassé que pour l’avoir laissé partir. Mais quand certains hommes donnent à son départ le nom de bannissement, que diraient-ils donc, s’ils avaient vu tomber sa tête ? Catilina, disent-ils, se rend à Marseille. Plainte hypocrite, qui déguise mal la crainte qu’ils en ont ! De tous ceux qui déplorent son exil, il n’en est pas un qui n’aime mieux le voir dans le camp de Mallius que dans la ville des Marseillais. Et lui-même, n’est-il jamais pensé au parti qu’il vient de prendre, il aimerait encore mieux périr en brigand que de vivre exilé. Mais comme jusqu’ici rien ne lui est arrivé de contraire à ses vieux, si ce n’est de m’avoir, en partant, laissé la vie, ne le plaignons pas d’un exil supposé, désirons plutôt que cet exil soit véritable.

VIII. Mais pourquoi vous parler si longtemps d’un seul ennemi, et d’un ennemi qui du moins se montre tel qu’il est, d’un ennemi que je cesse de craindre, depuis qu’un mur, ainsi que je l’ai toujours voulu, nous sépare de lui ? Ai-je donc oublié ceux qui se couvrent d’un masque, qui restent dans Rome, qui sont au milieu de nous ? Non, Romains ; mais je l’avoue, mon désir est moins d’en faire justice, que de les ramener par la douceur, et de les réconcilier à la patrie, s’il est quelque moyen d’y parvenir ; et je ne vois pas pourquoi il n’en serait point, s’ils veulent écouter ma voix. Je vais, citoyens, vous montrer de quelles classes d’hommes est composé ce parti. Ensuite j’essayerai de combattre, avec les armes de la parole et de la persuasion, le mal qui les travaille.

La première classe est composée de débiteurs qui