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SECOND DISCOURS
CONTRE L. CATILINA,
PRONONCÉ DEVANT LE PEUPLE.

DISCOURS VINGTIÈME.


ARGUMENT.

Dès que Catilina eut quitté Rome pour se rendre au camp de Mallius, Cicéron monta à la tribune aux harangues et rendit compte au peuple romain de tout ce qui s’était passé.

L’objet de la seconde Catilinaire est 1° de dissiper les fausses et insidieuses alarmes que les partisans secrets de Catilina affectaient de répandre, en exagérant ses ressources et le danger de la république ; 2° de se justifier aux yeux de quelques bons citoyens du reproche d’avoir laissé fuir l’ennemi de la patrie, au lieu de le livrer au supplice ; 3° de répondre à ceux qui l’accusaient de tyrannie, pour avoir exilé Catilina ; 4° de faire connaître ceux qui dans Rome servaient ouvertement ou secrètement les desseins de Catilina. Il les divise en six classes qu’il caractérise chacune par les traits qui lui conviennent.

Cette harangue fut prononcée devant le peuple le 9 novembre, an de Rome 690.


I. Enfin, Romains, cet audacieux, dont la fureur sacrilége méditait la ruine de la république, ce monstre dévoré de la soif du crime, qui menaçait vos cœurs du poignard et vos maisons de l’incendie, Catilina est sorti de ces murs. Nous l’en avons chassé, ou si l’on veut, nous lui avons ouvert les portes, nous avons accompagné de nos adieux son départ volontaire. Oui, Romains, il est parti, il a pris la fuite ; sa frayeur ou sa rage l’a emporté loin de nous. On ne verra plus ce forcené travailler dans Rome même à la destruction de Rome. Nous sommes sûrs au moins de ce premier triomphe sur le chef de la rébellion. Le poignard de cet assassin ne cherchera plus sans cesse le chemin de nos cœurs ; il ne nous poursuivra plus dans le Champ de Mars, dans le forum, an sénat, et jusque dans nos maisons. Catilina, chassé de Rome, a perdu sa position. C’est maintenant un ennemi déclaré, auquel nous ferons, sans que personne s’y oppose, une guerre légitime. Certes, nous avons remporté sur lui une éclatante victoire, en le forçant de jeter le masque et d’arborer publiquement l’étendard de la révolte. Mais ce glaive qu’il n’a pu, au gré de ses désirs, emporter tout sanglant, cette vie qu’il n’a pu me ravir, ce fer que je lui ai arraché des mains, ces citoyens qu’il a laissés vivants, ces murailles qui sont encore debout, quels sujets pour lui d’une douleur profonde et d’un affreux désespoir ! Il sent maintenant le coup qui l’a frappé. Confondu, terrassé, anéanti, il fuit, et ses regards impuissants se retournent sans cesse vers cette Rome que les destins ont sauvée de sa rage, cette Rome qui se réjouit quand il pleure, et qui s’applaudit d’avoir vomi de son sein et rejeté loin d’elle un monstre si fatal.

II. Cependant, si quelqu’un d’entre vous, aussi