Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gret. D’ailleurs, et cette raison surtout m’engage au silence, si je dévoilais tous les meurtres de cette nature, je paraîtrais peut-être vouloir faire le procès à de nombreux coupables.

XXXIV. Voyons à présent ce que vous avez fait après la mort de Roscius. Vos démarches sont si connues, si publiques, que c’est avec peine que je m’arrête sur ces détails. En effet, quels que soient vos torts, je crains qu’on ne me soupçonne de n’avoir voulu sauver Sextus que pour vous perdre vous-même. Toutefois cette crainte et ce désir de vous épargner, autant que mon devoir pourrait me le permettre, font place à l’indignation, quand je pense à l’excès de votre impudence. Vos complices fuyaient ; ils se cachaient, afin que le public ne les voyant pas, on pût lui faire prendre le change sur la nature de la cause : et vous seul osez paraître et vous placer auprès de l’accusateur ! et vous avez sollicité ce rôle odieux ! Vous n’y gagnerez rien que d’avoir fait connaître à l’univers entier votre audace et votre effronterie.

Roscius a été tué : qui porte dans Amérie la nouvelle de sa mort ? Mallius Glaucia, votre client et votre ami. Pourquoi lui plutôt que tout autre ? Si vous n’aviez formé d’avance aucun projet contre la vie et les biens de Roscius, si vous n’étiez associé avec personne pour le crime, et pour le prix du crime, cet événement ne vous intéressait en aucune manière. Pourquoi Glaucia vient-il l’annoncer ? — Il l’a fait de lui-même. — Or, je le demande, quel intérêt y prenait-il ? Dira-t-on que d’autres affaires l’amenaient dans Amérie, et que, par l’effet du hasard, il a publié le premier ce qu’il avait appris à Rome ? Quelles étaient ces affaires ? Je ne puis deviner, dites-vous. Je vais si bien éclaircir la chose, qu’il n’y aura rien à deviner. Pour quelle raison a-t-il d’abord porté cette nouvelle à Capiton plutôt qu’à la femme et aux enfants de Roscius, plutôt qu’à ses parents et à ses alliés qui avaient vécu avec lui dans la meilleure intelligence ? Pourquoi, dis-je, ce Glaucia, votre client, qui apportait la nouvelle de votre crime, l’a-t-il annoncé précisément à Capiton ?

Roscius a été tué en revenant de dîner, et dès avant le jour on l’a su dans Amérie. Que signifie cette course incroyable, cette célérité, cette précipitation extraordinaire ? Je ne demande pas qui l’a frappé. Ne craignez rien, Glaucia ; je ne vous fouille pas ; je ne cherche pas si vous aviez quelque arme sur vous. Je trouve celui qui a commandé le meurtre ; peu m’importe la main qui l’a commis. Je m’en tiens à ce qui est démontré par des faits évidents. En quel lieu et par qui Glaucia a-t-il été informé ? comment a-t-il été si promptement instruit ? Supposons qu’il l’ait su au moment même : pourquoi faire tant de chemin en une seule nuit ? S’il allait à Amérie pour ses affaires, quelle nécessité de partir de Rome à cette heure, sans donner au sommeil un seul instant de la nuit ? A des indices aussi manifestes, est-il besoin de joindre des raisonnements et des conjectures ?

XXXV. Juges, ne vous semble-t-il pas voir de vos propres yeux tout ce que vous venez d’entendre ? N’apercevez-vous pas l’infortuné Roscius retournant chez lui sans défiance ? Ne voyez-vous pas les embûches dressées ? l’attaque brusque et sou-