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nombre de chiens partout où il y a beaucoup de gens à observer, et beaucoup de choses à garder. Mais, dans le désordre de la guerre, il se commet bien des crimes à l’insu des généraux. Pendant que le chef suprême s’occupait d’autres soins, les scélérats travaillaient pour eux-mêmes ; et comme si une nuit éternelle se fût répandue sur la république, ils s’agitaient dans les ténèbres et mettaient tout en confusion. Je m’étonne qu’après avoir égorgé les accusateurs et les juges, ils n’aient pas aussi brûlé les tribunaux, afin qu’il ne restât aucun vestige des jugements. Heureusement leurs excès furent trop publics : il n’était pas en leur pouvoir d’exterminer tous les témoins. Tant que le genre humain subsistera, des accusateurs s’élèveront contre eux ; tant que Rome vivra, les jugements s’exerceront. Au surplus, si Érucius, comme je l’ai déjà dit, trouvait dans sa cause tous les moyens que je viens de vous exposer, il pourrait les développer fort au long ; je le pourrais aussi : mais, je le répète, mon intention est de traiter légèrement et d’effleurer chaque objet : je veux prouver à tous que si je forme une accusation, c’est que l’intérêt de mon client m’en impose le devoir.

XXXIII. Je vois donc que beaucoup de motifs pouvaient déterminer Titus. Voyons à présent s’il a eu des facilités pour exécuter ce crime. Où Roscius a-t-il été tué ? À Rome. Eh bien ! Titus, où étiez-vous alors ? À Rome. Qu’importe ? direz-vous ; bien d’autres y étaient comme moi. Cela est vrai : aussi ne cherchons-nous pas à découvrir dans la foule des habitants lequel a tué Roscius ; nous examinons de quel côté est la vraisemblance. Roscius a été tué à Rome. Vous résidiez alors à Rome ; et depuis très longtemps. Sextus ne s’est pas même approché de cette ville. La vraisemblance est contre vous.

Examinons aussi les autres facilités. Rome alors était remplie d’assassins, je répète ce qu’a dit Erucius, et les meurtres s’y commettaient impunément. Eh bien ! quels étaient ces assassins ? C’étaient, ce me semble, ou ceux qui s’occupaient à saisir les dépouilles, ou les brigands soudoyés par eux pour commettre les meurtres. Si vous parlez des premiers, vous êtes de ce nombre, puisque nos richesses sont devenues les vôtres. Si vous entendez les hommes que des personnes indulgentes appellent exécuteurs des proscriptions, cherchez quel est leur protecteur et leur appui : croyez-moi, vous trouverez quelqu’un de vos associés. Ensuite mettez dans une même balance nos moyens de défense, et vos réponses à nos objections ; l’on verra facilement quelle différence existe entre la cause de Sextus et la vôtre.

Vous direz : Que peut-on conclure de ce que je restais constamment à Rome ? Je répondrai : Moi, je n’y étais jamais. — J’avoue que j’étais un acquéreur de domaines confisqués. Tant d’autres l’ont été ! — Mais moi, j’étais, ainsi que vous me le reprochez vous-même, un cultivateur, un homme des champs. — Pour avoir été en société avec des assassins, suis-je un assassin ? — Mais moi, qui ne connus jamais un seul de ces misérables, une telle inculpation ne peut absolument m’atteindre. Je pourrais ajouter beaucoup d’autres choses qui prouveraient que vous aviez tous les moyens de commettre ce crime ; je m’arrête, parce que je ne vous accuse vous-même qu’à re-