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première magistrature, sans pouvoir, sans crédit, n’ai pas craint de monter à cette tribune et d’y résister, sous vos auspices, à la méchanceté d’un homme puissant, craindrai-je davantage que la république, soutenue par tant d’appuis, soit vaincue ou asservie par ces nouveaux factieux ? Si jamais j’eusse été accessible à de tels sentiments, ils auraient bientôt disparu dans cette assemblée et en votre présence. Qui donc, proposant une loi agraire, fut entendu avec plus de faveur que moi qui l’ai combattue, ou plutôt qui l’ai détruite, qui l’ai renversée ? Apprenez par là, Romains, que rien n’est aussi populaire que ce que vous offre pour cette année un consul vraiment populaire, je veux dire la paix, la tranquillité, le repos. Les malheurs que vous appréhendiez, quand je fus désigné consul, ma raison, ma prudence les ont prévenus. Non seulement vous conservez ce repos qui vous fut toujours cher, mais je saurai même, sans qu’il y soit porté aucune atteinte, y enchaîner ceux qu’il offusque. Ces hommes ne connaissent d’autres moyens d’obtenir les honneurs, la puissance et les richesses, que le tumulte et les discordes civiles ; mais vous qui faites consister votre pouvoir dans le don de vos suffrages, votre liberté dans les lois, votre honneur dans l’équité et dans les jugements de vos magistrats, la sûreté de vos biens dans la paix, vous devez conserver à tout prix ce repos. Si ceux qui vivent tranquilles par indolence, trouvent du charme dans cet état d’inertie honteuse, pourquoi, si vous trouvez meilleur le repos à l’ombre duquel vous gouvernez la fortune, ne le gardez-vous comme un bien que vous n’avez plus à chercher, mais que vous recevez avec la vie ? Déjà, par l’union que j’ai cimentée entre mon collègue et moi, j’ai pourvu à la conservation de ce repos, en dépit de ces hommes dont le caractère et la violence présageaient la haine qu’ils voueraient à notre consulat ; je les ai compris, je les ai prévenus. Je l’ai dit aux tribuns eux-mêmes, je les ai avertis de n’exciter aucun désordre sous mon consulat. La meilleure et la plus sûre garantie de notre prospérité commune, Romains, c’est que vous montriez dorénavant pour la république le même intérêt que vous venez de manifester à mes yeux, en ce jour mémorable et dans cette nombreuse assemblée, pour votre propre salut. Je vous promets, du reste, et je proteste de faire en sorte que ceux qui sont jaloux de ma dignité, reconnaissent enfin que vous n’avez pas été imprévoyants en m’honorant de vos suffrages.