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à cette feinte largesse. Parlons premièrement de la ville, s’il en est ici quelques-uns qui préfèrent Capoue à Rome. La loi ordonne d’inscrire cinq mille citoyens pour la colonie de Capoue ; chacun des décemvirs en choisira cinq cents. Ne vous faites pas illusion, je vous prie, et voyez bien la vérité des choses. Croyez-vous être de ces élus, vous et ceux qui vous ressemblent, gens désintéressés, amis de la paix et du repos ? Si vous devez en être tous, ou seulement le plus grand nombre d’entre vous, quoique ma dignité m’ordonne de veiller jour et nuit, et d’avoir l’œil ouvert sur tout ce qui se passe dans la république, pour peu que vous y trouviez d’avantage, Romains, je ne serai pas très éloigné d’être d’accord avec vous. Mais si l’on donne à cinq mille individus choisis pour être les complices d’actes violents, criminels et homicides, un pays et une ville où l’on puisse organiser la guerre et la soutenir, permettrez-vous qu’on élève, sous votre nom et contre vous-même, un nouvel empire, qu’on arme des places, qu’on s’assure des villes, des troupes et des territoires ? Car le territoire de Capoue qu’ils vous offrent en perspective, c’est pour eux-mêmes qu’ils l’ont désiré ; ils y établiront leurs hommes, au nom desquels ils posséderont et jouiront réellement ; ils achèteront ensuite, ils étendront leurs dix arpents. Car, si l’on dit que la loi le défend, la loi Cornélia le défendait aussi ; et pourtant, sans aller plus loin, nous voyons que le territoire de Préneste est possédé par un petit nombre de gens. Il ne manque aux richesses des décemvirs que des terres dont l’étendue les mette à même de nourrir un nombreux domestique, et de soutenir les dépenses de leurs maisons de Cumes et de Pouzzoles. Rullus, au contraire, n’a-t-il en vue que votre intérêt ? qu’il vienne et s’explique en ma présence sur le partage de la Campanie.

XXIX. Je lui ai demandé aux calendes de janvier à quels hommes et de quelle manière il ferait ce partage. Il me répondit qu’il commencerait par la tribu Romilia. D’abord que signifie ce mépris injurieux qu’il affecte, en retranchant une partie du peuple, et en ne suivant pas l’ordre des tribus ; en donnant des terres aux tribus de la campagne, avant que d’en donner à celles de la ville, déjà bercées de l’espoir de cette libéralité ? Ou, s’il nie sa réponse, et qu’il pense vous contenter tous, que ne commence-t-il ? que ne distribue-t-il à chacun dix arpents ? que ne vous appelle-t-il tous au partage, depuis la tribu de Suburra jusqu’à celle de l’Arno ? Si vous voulez comprendre que, non seulement on ne peut donner à chacun dix arpents, mais qu’une si grande multitude d’hommes ne peut être entassée dans la Campanie, souffrirez-vous encore qu’un tribun inquiète ainsi la république, qu’il insulte à la majesté du peuple romain, et qu’il se joue de vous plus longtemps ? Que si ce pays pouvait vous échoir, n’aimeriez-vous pas mieux qu’il restât votre patrimoine commun ? Quoi ? le plus beau domaine du peuple romain, la source de vos richesses, l’ornement de la paix, le soutien de la guerre, le fonds de vos revenus, le grenier d’abondance de vos armées, votre ressource dans la disette, le laisserez-vous disperser par lambeaux ? Avez-vous oublié, dans la guerre Italique, quand vous aviez perdu tous vos autres revenus, combien d’armées a nourries le seul territoire de la Campanie ? Ignorez-vous que ces autres magnifiques revenus du peuple romain