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charge, ajoutez la plus grave de toutes ; c’est la résolution que j’ai prise de n’imiter en rien le système de mes prédécesseurs, dont les uns évitèrent avec grand soin d’aborder cette tribune et d’y paraître en votre présence, et dont les autres y vinrent avec un médiocre empressement. Mais moi, ce n’est pas seulement ici que je le déclare, ici où cet aveu n’a rien de pénible ; au sénat même, qui ne semblait pas le lieu propice à un pareil langage, j’ai déclaré, le jour des calendes de janvier, dans mon premier discours, que je serais un consul populaire. En effet, lorsque je me vois honoré du consulat, non par le zèle officieux de puissants personnages, ni par la bienveillance particulière de quelques amis, mais par vos suffrages universels, lesquels m’ont rendu l’objet d’une préférence si éclatante sur les citoyens de la plus noble origine ; je ne puis, dans cette magistrature et pendant toute ma vie, ne pas être un consul populaire.

Mais pour vous expliquer ce mot, pour vous en faire saisir toute la portée, j’ai besoin essentiellement du secours de votre sagesse. Une erreur grossière s’est partout répandue, accréditée par le rôle hypocrite de certains individus qui, lors même qu’ils attaquent et compromettent les intérêts et la sûreté du peuple romain, veulent se ménager par leurs discours la réputation de magistrats populaires. Je sais, Romains, en quel état j’ai trouvé la république aux calendes de janvier : de toutes parts, l’inquiétude et la crainte ; pas un revers, pas un malheur que n’appréhendassent les gens de bien, que n’espérassent les méchants. On tramait, disait-on, ou déjà même on avait tramé, lorsque je fus désigné consul, des machinations séditieuses contre la constitution de la république, contre votre tranquillité. Le crédit avait disparu du forum, non pas à la suite de quelque catastrophe inattendue, mais à cause des soupçons, des désordres qui régnaient dans les tribunaux, et de l’inexécution des arrêts. On pressentait de nouvelles tyrannies sous la forme, non de commandements extraordinaires, mais de despotisme monarchique.

IV. Moi qui soupçonnais ces complots, et qui même les voyais de mes propres yeux (car on ne cherchait pas à les dissimuler), je déclarai dans le sénat que je serais un consul populaire. Car, quoi d’aussi populaire que la paix, dont tous les êtres doués de sentiment, nos demeures mêmes et nos campagnes semblent apprécier la jouissance ? Quoi d’aussi populaire que la liberté, si vivement désirée et préférée à tout autre bonheur non seulement par les hommes, mais encore par les brutes ? quoi d’aussi populaire que le repos, situation si attrayante, que vous, vos ancêtres et les hommes les plus courageux, jugiez bon d’affronter les travaux les plus pénibles pour jouir enfin, au sein du repos, de la gloire et de la puissance ? Et combien surtout ne devons-nous pas d’éloges et d’actions de grâces à nos ancêtres, puisque la possession de ce repos que nous pouvons goûter impunément, est le prix de leurs fatigues ! Comment donc, Romains, puis-je n’être pas populaire, quand je vois tous ces bienfaits, la paix avec les nations, la liberté, cet attribut inhérent à votre origine, à votre nom, le repos domestique, en un mot, tous les biens qui vous sont précieux et chers, confiés à mes soins, et mis en quelque sorte sous la sauvegarde de mon consulat ? Car, je ne pense pas, Romains, qu’elle soit populaire, qu’elle soit bien venue de vous cette annonce publique de certaines largesses qui peut bien être exaltée avec emphase, mais dont la réalisation ne peut qu’épuiser le trésor. Non, vous ne regarderez pas comme des actes