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suivent de la pique du crieur l’armée de Pompée, ceux-là qui ordonnent de vendre le sol sur lequel il fait encore la guerre, le sol qu’il n’a pas encore conquis ?

III. Mais comment qualifier leur discrétion sur le lieu où la vente doit être effectuée ? car la loi autorise les décemvirs à vendre partout où ils le jugeront à propos. Il est interdit aux censeurs d’affermer les biens de l’État, si ce n’est sous les yeux du peuple romain, et les décemvirs pourront sans obstacle les vendre aux extrémités du monde ? Mais les hommes les plus obérés, quand ils vendent leur patrimoine, aiment mieux en vendre les débris sur les places destinées aux ventes de cette nature, que dans les carrefours ou dans les rues. Rullus et sa loi permettent aux décemvirs de choisir à leur guise des lieux obscurs et solitaires, et d’y vendre les biens du peuple. Voyez-vous déjà combien cette irruption des décemvirs au sein des provinces, des royaumes et chez les peuples libres, sera sensible et désastreuse pour ceux-ci, et pour ceux-là lucrative ? quand vous donnez à certains personnages des missions libres, pour aller recueillir des héritages, ils partent à titre de simples particuliers et pour des affaires particulières, sans étaler un grand faste, sans être environnés d’un grand crédit ; cependant, vous le savez, leur arrivée est souvent fort onéreuse à vos alliés. Concevez-vous donc la terreur et les maux que cette loi va répandre parmi toutes les nations, quand elles verront lancés sur la surface du monde des décemvirs revêtus d’un immense pouvoir, dominés par une avarice extrême, par une insatiable cupidité, et qui, au fardeau d’un séjour dispendieux, et à la présence formidable des faisceaux, ajouteront encore les vexations du despotisme et l’iniquité des jugements ? car ils auront le droit de déclarer publiques telles ou telles propriétés, et de les vendre conformément à cette décision. Il répugnerait même à ces hommes intègres de recevoir de l’argent pour ne pas vendre, que la loi, à cet égard, lève encore leurs scrupules. Imaginez maintenant l’énormité des spoliations dans tous les lieux possibles, le scandale des marchés, et le trafic infâme de la justice et de toutes les fortunes ! car cet article de la loi qui ne comprenait d’abord que les biens acquis depuis le consulat de L. Sylla et de Q. Pompée, ils l’ont étendu depuis arbitrairement et indéfiniment à toutes nos conquêtes.

IV. La même loi autorise les décemvirs à frapper toutes les terres d’un impôt considérable, afin que les unes puissent être affranchies ou qu’il soit passé outre à la vente des autres, suivant la commodité ou le bon plaisir de ces magistrats. Cette disposition ne permet pas de décider si la rigueur des jugements sera plus désastreuse aux populations, ou l’indulgence plus profitable aux décemvirs.

Cependant, il y a dans la loi deux exceptions moins injustes que suspectes. Elles portent, l’une, qui regarde les biens à imposer, sur le territoire de Récentore en Sicile ; l’autre, qui regarde la vente des terres, sur celles dont la garantie est consacrée par un traité : ce sont les terres possédées en Afrique par Hiempsal. Or, je le demande, si un traité garantit à Hiempsal ses pos-