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d’A. Rupilius, qui avait été médecin d’Oppianicus, un esclave nommé Straton, comme pour imiter ce qu’avait fait Cluentius en achetant Diogène. Elle annonce qu’elle va mettre à la question ce Straton et un autre esclave attaché à sa personne. En outre, pour punir Nicostrate d’avoir trop parlé et d’avoir été trop fidèle à son maître, elle le demande au jeune Oppianicus, afin de lui faire subir la même épreuve. Oppianicus, à peine sorti de l’enfance, entendait dire que cette information avait pour but de venger la mort de son père : tout persuadé qu’il était de l’attachement de Nicostrate et à son père et à lui-même, il ne put rien refuser. On convoque les hôtes et les amis d’Oppianicus et ceux de Sassia : ils viennent en grand nombre, tous hommes distingués et tenant dans la société un rang honorable. Les plus cruelles tortures sont mises en œuvre. Quoiqu’on eût employé tour à tour et promesses et menaces pour disposer ces esclaves à répondre au gré des bourreaux ; animés sans doute par la vue des témoins qui les contemplaient, et par la violence même des tourments, ils restèrent fidèles à la vérité, et déclarèrent qu’ils ne savaient rien. Sur l’avis des amis de Sassia, on fit pour ce jour-là cesser l’interrogatoire. Assez longtemps après, les mêmes amis sont de nouveau convoqués. La question recommence. Rien de ce que la torture a de plus affreux n’est oublié. Les témoins détournent les yeux d’un spectacle qu’ils ne peuvent bientôt plus soutenir. La barbare et impitoyable Sassia redouble de fureur en voyant l’événement tromper ses horribles calculs. Déjà la longueur de l’exécution avait fatigué la main du bourreau et lassé jusqu’aux instruments de la torture, que cette furie persistait encore. Alors un des témoins, distingué par son mérite et les honneurs dont le peuple romain l’a revêtu, dit qu’il ne s’agissait pas, il le voyait bien, de découvrir la vérité, mais d’arracher un mensonge. Tous confirmèrent son avis par leur assentiment ; et l’on déclara d’une voix unanime qu’il était temps de cesser d’inutiles cruautés. L’esclave Nicostrate est rendu à son maître. Sassia part avec les deux autres pour Larinum, désespérée de voir désormais à l’abri de ses coups un fils inaccessible aux atteintes de la calomnie aussi bien qu’aux accusations de la vérité ; un fils contre lequel échouaient également, et les efforts des ennemis qui l’attaquaient à face découverte, et les obscures machinations de sa mère. Arrivée à Larinum, cette femme, qui avait feint de regarder Straton comme un empoisonneur, change tout à coup de pensée, et donne à cet assassin de son époux une boutique riche et fournie de tout ce qui est nécessaire pour exercer la médecine.

LXIV. Un an, deux ans, trois ans se passent, et Sassia ne parlait plus de poursuites ; elle semblait appeler la perte de son fils par ses vœux, plutôt que la hâter par ses intrigues. Cependant, sous le consulat d’Hortensius et de Metellus, au moment où le jeune Oppianicus pensait le moins à se faire accusateur, elle prend la résolution de l’y contraindre ; et d’abord elle le force d’accepter en mariage une fille qu’elle avait eue de son gendre, afin qu’enchaîné tout à la fois par cette alliance, et par l’espoir qu’un jour elle lui léguerait ses biens, elle pût le tenir dans une dépendance absolue. À peu près à cette époque, Straton, cet esclave médecin, commit dans la maison de Sassia un vol accompagné de meurtre. Elle avait dans un de ses appartements une ar-