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depuis peu il attaque Cluentius lui-même. La justice prononcera, soyez-en sûrs, et peut-être sera-ce moi qui, dans ce procès civil, obtiendrai vengeance de son injuste poursuite. — Mais voici un autre témoin recommandable par l’étendue de ses liaisons et le grand nombre de ses hôtes, Aulus Binnius, maître d’une taverne sur la voie Latine. J’apprends qu’on le suborne pour qu’il dépose que Cluentius et ses esclaves l’ont maltraité dans sa maison. Je n’ai rien à dire en ce moment de ce personnage. Si, en hôte prévenant, il me fait quelques avances, l’accueil que je lui réserve le fera repentir d’avoir pris cette peine. Voilà, juges, tout ce que nos accusateurs, après huit ans de recherches, ont pu recueillir contre la vie entière d’un homme qui, selon eux, mérite toute l’indignation de la justice : imputations bien légères, si elles étaient vraies ; mais imputations bien fausses, et que j’ai réfutées en deux mots.

LX. Venons maintenant à l’objet de votre serment, à la question que vous devez juger, aux faits dont la loi qui vous rassemble ici vous ordonne de connaître : écoutez les accusations d’empoisonnement. Tout le monde va voir à combien peu de mots j’aurais pu réduire ma défense, et combien j’ai fait valoir de moyens pour satisfaire aux désirs de l’accusé plutôt qu’au besoin de sa cause. On reproche à Cluentius d’avoir empoisonné C. Vibius Capax. Heureusement vous avez devant vous un homme d’une vertu et d’une bonne foi au-dessus de tout éloge, le sénateur L. Plétorius, qui fut l’hôte et l’intime ami de Vibius. C’est chez lui que Vibius demeurait à Rome ; c’est chez lui qu’il tomba malade ; c’est chez lui qu’il mourut. — Mais Cluentius est son héritier. — Je réponds qu’il est mort sans avoir fait de testament, et que la possession de ses biens a été donnée, par édit du préteur, à un jeune homme plein d’honneur et de sagesse, chevalier romain, fils de sa sœur, à Numérius Cluentius que vous voyez devant vous.

Second chef d’accusation : Cluentius a, dit-on, voulu faire empoisonner le jeune Oppianicus, à son repas de noces, où, suivant la coutume de Larinum, assistait une multitude de convives. Comme on lui portait le poison dans une coupe de vin mêlé de miel, Balbutius, son ami, prit la coupe, la but et tomba mort. Si je croyais que cette imputation méritât d’être réfutée sérieusement, je développerais ici des arguments que je vais seulement indiquer en peu de mots. Cluentius a-t-il jamais rien fait qui autorise à le croire capable d’un crime si énorme ? Qu’avait-il donc tant à craindre d’Oppianicus ? Ce jeune homme n’a pas prononcé un seul mot dans tout le cours de ce procès ; et d’un autre côté jamais Cluentius ne pouvait, du vivant de sa mère, rester sans accusateur : vous en serez bientôt convaincus. Voulait-il, sans diminuer ses périls, fournir à l’accusation un moyen de plus contre lui ? Mais quel moment pour commettre un tel crime ! un jour de noces ! une assemblée nombreuse ! Et par qui a-t-il fait donner le poison ? où l’a-t-il pris ? comment la coupe a-t-elle été arrêtée au passage ? pourquoi n’a-t-on pas essayé de nouveau ? J’aurais certes beaucoup à dire ; mais je ne veux pas