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verez rien de plus. Il en reste des monuments ; les registres publics sont là : confondez-moi, Attius, si je ne dis pas la vérité. Lisez les dépositions des témoins ; prouvez que, dans le jugement de ces accusés, on ait rien dit contre eux, fût-ce même à titre d’invective, sinon qu’Oppianicus s’est servi de leur ministère pour un empoisonnement. Je pourrais démontrer par bien des preuves que le jugement ne pouvait être que ce qu’il fut. Mais je me hâte de satisfaire votre impatience, juges ; vous m’écoutez, il est vrai, avec une bienveillance et une attention qui ne fut jamais portée plus loin : cependant votre secrète attente semble m’avertir depuis longtemps et m’appeler à une autre question. Quoi donc ! me dites-vous, est-ce que vous niez qu’il y ait eu corruption dans le jugement d’Oppianicus ? Non, certes ; mais je soutiens que Cluentius ne fut point l’auteur de cette corruption. Qui donc en fut l’auteur ? Je pense d’abord que, si l’issue du procès eût été douteuse, il serait plus naturel de chercher le corrupteur dans celui qui craignait d’être condamné, que dans celui qui craignait de voir l’autre absous. Ensuite, comme personne ne doutait de l’arrêt qui devait nécessairement être rendu, le soupçon doit tomber sur celui qui avait quelques raisons de s’alarmer, plutôt que sur celui qui avait toute raison de ne rien craindre. Enfin, le corrupteur sera plutôt l’accusé deux fois condamné au même tribunal, que l’accusateur deux fois triomphant. Il est au moins une chose que la partialité la plus décidée contre Cluentius ne saurait me refuser, c’est que, si le fait de la corruption est constant, il est ou son ouvrage ou celui d’Oppianicus. Si je prouve qu’il n’est pas celui de Cluentius, il s’ensuivra qu’il est celui d’Oppianicus. Si je prouve qu’il est celui d’Oppianicus, Cluentius est justifié. Ainsi, quoique j’aie assez démontré que mon client n’avait aucun motif de corrompre les juges, d’où il suit que c’est Oppianicus qui les a corrompus, je vais encore vous prouver séparément cette dernière assertion.

XXIV. Je n’appuierai pas sur des considérations qui pourraient me fournir de très puissants arguments. Je ne dirai pas que le corrupteur est celui dont la tête était menacée ; celui qui craignait tout ; celui qui ne voyait de salut que dans la corruption ; celui qui fut toujours d’une audace sans exemple. Je pourrais dire bien des choses semblables. Mais comme le fait que j’avance n’a rien d’équivoque, comme j’en ai des preuves visibles et incontestables, il n’est pas nécessaire de développer l’un après l’autre cette foule d’arguments.

Je dis que C. Elius Stalénus, un des juges, reçut d’Oppianicus une somme considérable pour corrompre ses collègues. Quelqu’un ose-t-il le nier ? Je vous interpelle ici, Caïus, qui gémissez en secret de cette condamnation, et vous, Attius, qui la déplorez avec tant d’éloquence. Osez nier qu’Oppianicus ait donné de l’argent au juge Stalénus. Démentez-moi, vous dis-je, à la face de ce tribunal. Pourquoi gardez-vous le silence ? Mais vous ne pouvez nier que cet argent n’ait été remis, puisque vous l’avez avoué hautement, puisque vous l’avez redemandé, puisque vous l’avez remporté. Comment donc osez-vous parler de juges corrompus, puisque, de votre aveu, un juge avait reçu de vous de l’argent que vous lui avez fait rendre après l’arrêt fatal ? Mais quelle fut donc la marche de toute cette intrigue ? Je