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mêmes juges qui venaient déjà de le condamner deux fois. Ces mêmes juges, qui par la condamnation des Fabricius avaient prononcé la sienne, le citèrent au jour le plus prochain. Il fut accusé des crimes les plus énormes, tant de ceux que j’ai racontés brièvement, que d’une infinité d’autres que je passe maintenant sous silence ; il fut accusé devant des juges qui venaient de condamner Scamander, agent d’Oppianicus, et Fabricius, complice de Scamander. J’en atteste les dieux immortels ; de quoi doit-on être plus surpris, ou qu’il ait été condamné à son tour, ou qu’il ait osé répondre un seul mot ? En effet, que pouvaient faire ces juges ? Quand même ils auraient injustement condamné les Fabricius, ils devaient, dans cette nouvelle affaire, être d’accord avec eux-mêmes et ne pas contredire leurs premiers arrêts. Iraient-ils, de leur plein gré, révoquer leurs propres jugements, lorsqu’on se fait une loi, dans les tribunaux, de se conformer aux jugements déjà rendus par d’autres ? Ils avaient condamné l’affranchi de Fabricius pour avoir été l’instrument du crime ; Fabricius lui-même, pour en avoir été le complice ; et ils auraient déclaré innocent le chef et le premier auteur du complot ! Ils avaient condamné les deux autres sur le simple exposé de la cause, sans être déterminés par aucun arrêt précédent ; et celui-ci, qui paraissait devant eux frappé de deux condamnations, ils auraient pu l’absoudre ! C’est alors que, justement décriés, les jugements des sénateurs eussent été flétris à jamais, et voués sans retour au mépris publie, par une prévarication qui eût fermé la bouche à leurs apologistes. En effet, qu’auraient pu répondre ces juges, si on leur avait dit : Vous avez condamné Scamander ; pour quel crime ? — Pour avoir voulu faire empoisonner Cluentius par l’esclave d’un médecin. — Quel avantage Scamander retirait-il de la mort de Cluentius ? —— Aucun ; mais il était l’agent d’Oppianicus. — Vous avez condamné Fabricius ; pourquoi ? — Parce que lui-même étant lié intimement avec Oppianicus, et l’empoisonneur pris sur le fait étant son affranchi, il n’était pas probable qu’il n’eût point eu de part au complot. Si donc ils avaient absous Oppianicus, deux fois condamné par leurs propres arrêts, qui eût pu supporter cet avilissement de la justice, cette inconséquence dans les décisions, cet excès d’arbitraire dans les juges ?

Si vous êtes convaincus de ce que je vous ai démontré dans tout ce discours, qu’Oppianicus ne pouvait manquer d’être condamné, surtout par les mêmes juges qui avaient deux fois prononcé contre lui ; vous ne pouvez en même temps vous empêcher de convenir que l’accusateur n’avait aucun motif d’employer la corruption.

XXIII. Je vous le demande, Attius, mettant à part tous les autres raisonnements, croyez-vous que les Fabricius soient aussi des victimes innocentes ? direz-vous aussi que leur condamnation fut achetée à prix d’argent, lorsque l’un n’eut pour lui que la voix de Stalénus, et que l’autre se condamna lui-même ? Mais, s’ils étaient coupables, quel était donc leur crime ? Leur en a-t-on reproché d’autre que le poison destiné à Cluentius ? de quoi a-t-il été question dans ces deux procès, si ce n’est du complot qu’Oppianicus avait formé pour faire périr son ennemi par la main des Fabricius ? Non, juges, non ; vous n’y trou-