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es provinces, par quelles largesses ils ont acheté cet honneur, et à quelles conditions, l’ignorent-ils, ceux qui ne pensent pas qu’il faille accorder tous les pouvoirs ensemble à un seul homme ? comme si Pompée n’était pas, à nos propres yeux, grand autant par les vices des autres que par ses propres vertus. N’hésitez donc pas, Romains, à donner tout pouvoir à l’homme qui, depuis tant d’années, s’est trouvé le seul dont l’arrivée, à la tête de ses soldats, dans les villes de nos alliés, ait été accueillie avec allégresse. Que si vous croyez encore nécessaire que j’invoque à l’appui de ma cause des autorités, je nommerai P. Servilius, personnage d’une si haute expérience en matière de guerre, et dans les affaires les plus épineuses, dont les succès sur terre et sur mer ont été si éclatants, que, dans une délibération de cette nature, nulle autorité ne doit prévaloir sur la sienne ; G. Curion, si distingué par les faveurs qu’il a reçues de vous, par ses belles actions, par la grandeur de son génie et par sa sagesse ; Cn. Lentulus, dont vous avez reconnu tous la tenue et la prudence supérieure dans l’exercice des dignités auxquelles vous l’avez élevé ; G. Cassius enfin, cet homme d’une intégrité, d’une valeur et d’une fermeté que rien n’égale. Voyez si de telles autorités vous semblent suffisamment réfuter les objections de nos adversaires.

XXIV. Par tous ces motifs, Manilius, je loue et j’approuve avec enthousiasme cette loi qui est la vôtre, vos vues, et le sentiment qui les inspire : et puisque vous avez l’agrément du peuple romain, je vous engage à persister dans ce même sentiment, et à ne craindre les menaces ni la violence de personne. D’abord, je vous crois suffisamment de courage et de persévérance ; mais, de plus, quand je vous vois soutenu de cette multitude immense de citoyens accourue ici avec tant d’empressement pour conférer une seconde fois le commandement au même général, quelle incertitude peut-il nous rester sur le sort de la proposition, et sur les moyens de l’exécuter ? Quant à moi, tout ce que j’ai de zèle, de prudence, d’activité et d’esprit ; tout ce que le peuple romain m’a donné de pouvoir en m’honorant de la préture ; tout ce que j’ai enfin d’autorité, de crédit et de fermeté, je le promets et je l’offre tout entier à vous et au peuple romain, pour le succès de la loi que vous présentez. Et j’atteste tous les dieux, ceux-là surtout auxquels cette enceinte et ces lieux sont consacrés, qui lisent dans les cœurs de tous les citoyens venus ici pour les affaires de l’État, que je n’agis à la sollicitation de personne, ni dans la pensée de gagner les bonnes grâces de Pompée, ou de viser, par l’élévation de qui que ce soit, à m’assurer une protection dans le danger, un appui dans la carrière des honneurs. À l’abri de mon innocence, il me sera facile, comme il doit l’être à tout honnête homme, de vaincre le péril ; et, quant aux honneurs, ce ne sera ni par l’influence d’autrui, ni par ce que j’ai pu dire à cette tribune, que je les veux acquérir, mais en persévérant dans mes habitudes de vie laborieuse, si vous les jugez dignes d’un tel prix. Ainsi, Romains, le but que je me suis proposé dans cette affaire est uniquement, je l’affirme, l’intérêt de la république ; et loin de paraître avoir voulu me ménager des amitiés utiles, je sens au contraire