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tions de nos ancêtres. — Je n’objecterai pas ici que nos ancêtres ont toujours consulté, pendant la paix les usages établis, pendant la guerre, les intérêts de l’État ; que toujours ils ont modifié leurs idées selon les temps et les besoins nouveaux ; je ne dirai pas les deux guerres capitales, celles d’Afrique et d’Espagne, terminées par un seul général ; ni la destruction de deux cités puissantes, Carthage et Numance, les plus redoutables ennemies de l’empire, par Scipion, ce même général ; je ne rappellerai point cette époque peu éloignée, où vous et vos pères jugeâtes convenable de déposer sur la tête du seul Marius les destinées de l’empire, et d’opposer successivement Marius à Jugurtha, Marius aux Cimbres, Marius aux Teutons ; vous-mêmes, vous n’avez pas oublié, que je sache, les innovations que, de la volonté pleine et entière de Catulus, si hostile aujourd’hui à des mesures semblables, vous avez déjà faites en faveur de Pompée.

XXI. Quoi de plus nouveau en effet qu’un jeune homme, sans caractère public, organisant une armée dans les circonstances les plus difficiles de la république ? ce jeune homme l’a organisée. Qu’il la commandât ? il l’a commandée. Qu’il eût de grands succès ? les succès ne lui ont pas manqué. Quoi de plus insolite que de donner à ce tout jeune homme, si loin encore de l’âge requis pour être sénateur, une armée et son commandement ; de confier à sa vigilance la Sicile, l’Afrique et la guerre que nous avions à y soutenir ? Cependant il a gouverné ces provinces avec une intégrité, une convenance et une valeur singulières ; il a fini une guerre considérable en Afrique, et il a ramené ses troupes victorieuses. Quoi de plus inouï que le triomphe d’un chevalier romain ? Cependant le peuple romain a vu ce prodige, et non-seulement il l’a vu, mais il a cru devoir y montrer toute l’ardeur de son empressement. Quoi de plus contraire à l’usage que d’envoyer un simple chevalier soutenir une guerre immense et formidable, et cela à la place d’un consul, et lors même que nous en avions deux des plus illustres et des plus courageux ? Il fut envoyé. On disait bien dans le sénat qu’il ne convenait pas qu’un homme sans caractère public allât remplacer un consul ; mais on rapporte que L. Philippus répondit hautement que, pour lui, il ne l’envoyait pas remplacer un consul seulement, mais bien les deux ensemble. Telle était la confiance qu’on avait dans ses moyens d’assurer le succès de nos armes, que, malgré sa jeunesse, on décernait à lui seul les fonctions des deux premiers magistrats de la république. Quoi de plus extraordinaire qu’un citoyen soit soustrait à la puissance des lois par un sénatus-consulte, et créé consul avant l’âge que ces lois exigent pour l’exercice de toute autre magistrature ? Quoi de plus incroyable qu’un sénatus-consulte déférant pour la seconde fois le triomphe à un chevalier romain ? Non jamais, de mémoire d’homme, on ne créa en faveur de qui que ce fût des distinctions nouvelles en aussi grand nombre, que celles que nous avons vues réunies sur la tête de Pompée. Et tant de faveurs extraordinaires, tant de distinctions glorieuses ont été accordées au même citoyen, de l’avis de Catulus et sous la sanction des autres membres les plus illustres du sénat.

XXII. Qu’ils prennent donc garde qu’après avoir obtenu votre approbation pour tout ce qu’ils ont fait eux-mêmes en faveur de Pompée, il ne soit de leur part souverainement injuste, il