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vous, Hortensius, et ceux qui partageaient votre opinion, ne parlassiez ainsi avec toute la sincérité de gens honnêtes ; mais pourtant ce même peuple, préoccupé du salut de la république, aima mieux céder aux impulsions de sa douleur que de déférer à l’autorité de vos conseils. Ainsi, tandis que par une seule loi, par un seul homme et dans une seule année, nous étions affranchis de nos misères et de notre ignominie, nous obtenions en outre ce résultat de paraître un jour les véritables maîtres de toutes les nations et sur terre et sur mer. C’est pourquoi je trouve d’autant plus indigne l’opposition qu’on a manifestée, dirai-je contre Gabinius ou contre Pompée, ou plutôt contre l’un et l’autre, en empêchant que Gabinius ne fût donné pour lieutenant à Pompée, qui le désire et qui le demande. Quoi ! si Pompée, dans une guerre de cette importance, demande un lieutenant de son choix, il ne mérite pas de l’obtenir, tandis que d’autres généraux, dont le but a été la spoliation de nos alliés et le pillage des provinces, ont appelé à eux tels lieutenants qu’ils ont voulus ? Et l’auteur d’une loi qui a sauvé Rome, et maintenu la dignité de l’empire, sera exclu de toute participation à la gloire du général et de l’armée que nous devons à ses conseils et à son mépris du danger ? Je dis plus : Cn. Falcidius, Q. Métellus, Q. Célius Latiniensis, Cn. Lentulus ; tous ces hommes, que je cite avec respect, auront pu être lieutenants, l’année même qui suivit leur tribunal, et l’on ne sera si scrupuleux qu’à l’égard de Gabinius, de ce citoyen qui, dans une guerre entreprise en vertu de la loi qu’il a proposée, sous un général et dans une armée qui furent son ouvrage, devrait être appelé à la lieutenance par un privilège spécial ? Mais j’espère que les consuls proposeront au sénat cette nomination ; s’ils hésitent ou s’ils sont effrayés, j’affirme que je ferai moi-même la proposition ; et nul décret injuste, de quelque part qu’il vienne, ne m’empêchera, Romains, de défendre, à l’ombre de votre protection, vos bienfaits et vos droits. Je ne tiendrai compte d’aucun obstacle, si ce n’est de l’intervention tribunitienne ; mais ceux qui nous en menacent réfléchiront, je pense, et examineront jusqu’où il leur est permis d’en faire usage. Selon moi donc, Romains, Gabinius, seul auteur de cette guerre navale et de ses suites si glorieuses, vous est naturellement désigné pour être associé à Pompée ; car si l’un a clos heureusement l’expédition qui lui avait été confiée, c’est l’autre qui lui avait obtenu de vos suffrages l’honneur de la commencer.

XX. Il me reste à parler de l’opinion de Catulus et de l’autorité de cette opinion. Comme il vous demandait à qui vous donneriez votre confiance, si Pompée, votre unique espoir, venait à vous manquer : « À vous, Catulus, » fut votre réponse unanime. Juste récompense de son mérite et de sa vertu ! En effet, tel est Catulus, qu’il n’est point d’entreprise si grande, ni si difficile, qu’il ne la puisse diriger par ses conseils, soutenir par son intégrité, et achever par son courage. Mais dans la question présente je suis d’un sentiment tout opposé au sien. Car plus la vie de l’homme est courte et incertaine, plus la république doit mettre à profit, tandis que les dieux le permettent, la vie et les talents d’un grand homme.

Mais, dit Catulus, gardons-nous d’innover rien de contraire aux exemples et aux institu-