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apprendre à les mépriser. Mais puisque aucun homme de bien ne l’attaque, que vos citoyens et vos alliés rendent témoignage en sa faveur, et qu’il n’a pour agresseurs que ceux qui ont souvent attaqué cette ville et cet empire ; puisque les ennemis de Fontéius vous menacent, vous et le peuple romain, et que ses amis et ses proches vous supplient : balancerez-vous à faire connaître, non seulement à vos compatriotes, si sensibles à la gloire et à l’honneur, mais à tous les peuples, mais aux nations étrangères, que, dans vos décisions, vous avez mieux aimé épargner un citoyen que de céder à des ennemis ?

XV. Oui, juges, parmi toutes les raisons d’absoudre Fontéius, n’oubliez point que ce serait pour notre empire une flétrissure et une ignominie, si l’on allait répétant dans la Gaule que les sénateurs et les chevaliers romains ont jugé cette cause au gré des Gaulois, non par égard pour leurs dépositions, mais effrayés par leurs menaces. Certes, s’ils entreprennent de nous faire la guerre, il nous faudra évoquer du séjour des ombres C. Marius pour tenir tête à cet Induciomare si menaçant et si fier ; il nous faudra évoquer aussi Cn. Domitius et Fabius Maximus pour vaincre et subjuguer encore la nation des Allobroges et ses auxiliaires ; ou plutôt, puisque cela est impossible, il nous faudra prier M. Plétorius, mon ami, d’éteindre l’ardeur belliqueuse de ses nouveaux clients, d’apaiser leur courroux et de contenir leur effroyable impétuosité ; et, s’il ne peut réussir, nous prierons M. Fabius, qui s’est joint à l’accusateur, de calmer les Allobroges auprès de qui le nom des Fabius est en si grande considération, et de les engager à rester en repos, comme des vaincus, ou de leur apprendre qu’en menaçant le peuple romain, ils lui font moins craindre une guerre qu’espérer un triomphe.

Lorsque ce serait un déshonneur même dans la cause perdue d’un coupable, qu’ils pussent attribuer le moindre succès à leurs menaces, que devez-vous faire quand il s’agit de Fontéius, d’un homme (je crois devoir le dire, après deux audiences consacrées à cette cause) d’un homme contre lequel ses ennemis n’ont pu trouver aucune accusation grave ni même aucune imputation déshonorante ? Est-il un accusé, surtout ayant vécu au sein de Rome, dans nos mœurs actuelles, ayant demandé les honneurs, exercé des magistratures et des commandements, à qui l’accusateur n’ait reproché aucune bassesse, aucune turpitude, aucune infamie, aucun trait d’audace, de pétulance ou de dérèglement, sinon avec vérité, du moins avec quelque ombre de vraisemblance ?

XVI. M. Emilius Scaurus, un des plus grands hommes de notre république, fut accusé par M. Brutus. Nous avons encore ces plaidoyers : on y peut voir que bien des reproches furent faits à Scaurus lui-même. C’était à tort, qui peut le nier ? mais il fallut qu’il les essuyât de la part d’un ennemi. Que d’invectives n’entendirent pas, durant le cours de leur procès, M. Aquilius, L. Cotta, P. Rutilius ? ce dernier a été condamné, mais je ne l’en mets pas moins au rang des meilleurs et des plus vertueux citoyens ; il s’est vu, malgré l’innocence et la pureté de ses mœurs, réduit à entendre dans le procès qu’on lui fit tant de calomnies qui tendaient à le faire soupçonner de vices honteux et dégoûtants. Nous avons en-