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ennemi de Marcellus, ou Scaurus de Fimbria pour des prétentions politiques et des rivalités domestiques, que les Gaulois ne le sont de Fontéius ? Les moins suspects se sont vus obligés, contraints par deux et trois fois, et plus encore, à fournir des cavaliers, du blé, de l’argent : les autres ont été dépouillés de leurs terres en punition de leur ancienne résistance, ou domptés, écrasés dans la guerre qu’il leur fit lui-même. Si l’on ne doit pas croire les témoins qui paraissent déposer avec passion pour quelque intérêt, les Cépion et les Métellus avaient apparemment un plus grand intérêt à faire condamner Q. Pompéius, à se délivrer d’un rival, que n’en a toute la Gaule à perdre Fontéius, la Gaule qui fait dépendre d’un arrêt contre ce préteur ses franchises et sa liberté. Enfin, si, comme on ne peut douter que les témoignages en acquièrent plus de valeur, on doit examiner le caractère des témoins, peut-on comparer le plus considérable personnage de la Gaule, je ne dis pas aux grands hommes de notre patrie, mais au dernier des citoyens romains ? Induciomare sait-il bien ce que c’est que de témoigner ? éprouve-t-il la crainte qu’éprouve chacun de nous quand il faut déposer devant les juges ?

XII. Rappelez-vous, Romains, quelles sont alors vos inquiétudes, non seulement sur ce que vous avez à dire en témoignage, mais sur la manière de le dire, pour que rien ne soit contraire à la modération et qu’aucun mot ne semble échapper à la passion : vous craignez qu’il ne paraisse sur votre visage des signes qui puissent vous en faire soupçonner ; vous vous montrez jaloux, quand vous paraissez, d’inspirer une secrète estime pour votre candeur et votre bonne foi, et, quand vous vous retirez, de laisser dans les esprits des traces durables de cette opinion. Induciomare aura sans doute éprouvé, en témoignant, ces craintes et ces scrupules, lui qui d’abord ne s’est pas servi une seule fois de ce mot si sage, usité parmi nous : JE CROIS ; de ce mot que nous employons lors même que, sous la foi du serment, nous déposons sur des choses que nous sommes certains d’avoir vues : ce mot n’a pas été prononcé dans toute sa déposition ; et il a dit JE SAIS TOUT. Il craignait, oui, sans doute, il craignait de perdre de sa réputation auprès des juges et du peuple romain ; il craignait qu’on ne pût avoir d’Induciomare, d’un homme tel que lui, l’opinion qu’il avait parlé avec passion, avec témérité, il était trop timide pour voir qu’il ne devait s’embarrasser ici que de prêter sa voix, son front, son audace, à ses concitoyens et à nos accusateurs !

Croyez-vous que ces peuples, dans leurs dépositions, soient retenus par la foi du serment et par la crainte des dieux immortels, eux qui diffèrent entièrement des autres nations par leurs usages et leur caractère ? Les autres peuples entreprennent des guerres pour défendre leur religion ; les Gaulois, pour attaquer celle de tous les hommes. Les autres peuples, dans leurs guerres, implorent la protection et la faveur des dieux immortels ; les Gaulois font la guerre aux dieux immortels eux-mêmes.

XIII. Ce sont les Gaulois qui se sont autrefois transportés si loin de leur pays, jusqu’à Delphes, pour outrager et pour dépouiller l’oracle de l’univers, Apollon Pythien. Ces mêmes peuples, si