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ANNIUS ET C. FONTÉIUS. LETTRES DE CEUX-CI À M. FONTEIUS.

Il est assez clair, je pense, que la réparation des chemins ne regarde pas même Fontéius, et que ceux qui en ont été chargés sont des hommes dont la conduite est irrépréhensible.

VIII. Écoutez maintenant, juges, l’accusation qui regarde les impôts sur le vin ; accusation qu’on a présentée comme la plus grave et la plus terrible. Plétorius a dit, pour l’établir que ce n’était pas dans la Gaule que Fontéius avait imaginé de mettre des impôts sur le vin ; qu’il en avait conçu l’idée en Italie, avant son départ de Rome ; que Titurius, à Toulouse, avait exigé, comme droit d’entrée, quatre deniers par amphore ; que Porcius et Numius, à Crodune, avaient exigé trois victoriats ; et Servéus deux, à Vulchalon ; que dans cette province on avait imposé une taxe à ceux qui voulaient transporter du vin de Cobiamaque, bourg entre Toulouse et Narbonne, sans aller à Toulouse ; qu’Elésiodole n’avait exigé que six deniers de ceux qui portaient des vins à l’ennemi. C’est là une occupation fort grave, d’abord par elle-même, car il s’agit d’un impôt mis sur nos récoltes et dont on pourrait tirer, je l’avoue, des sommes immenses, ensuite par les haines qu’elle suscite ; aussi les ennemis de Fontéius se sont-ils empressés de répandre cette calomnie. Quant à moi, je pense que plus est grave l’accusation dont on démontre la fausseté, plus est grave aussi l’outrage de celui qui l’a inventée. Il veut, en effet, par l’idée d’un grand crime, prévenir tellement l’esprit des juges, que la vérité n’ait plus auprès d’eux qu’un difficile accès.

Il manque ici tout ce qui regarde les impôts sur le vin, la guerre des Vocantins, et la disposition des quartiers d’hiver.

IX. Les Gaulois affirment le contraire. Mais l’évidence des faits et la force des preuves nous tiennent lieu de leur aveu. Un juge peut-il donc refuser créance à des témoins ? Oui, quand des témoins sont passionnés, irrités, ligués ensemble, au-dessus de tout scrupule, non seulement il le peut, mais il le doit. Eh ! si, parce que les Gaulois le disent coupable, Fontéius doit être regardé comme tel, qu’a-t-on besoin d’un juge éclairé, d’un président équitable, d’un orateur qui ne soit pas indigne de ce nom ? Voilà ce que disent les Gaulois. Oui, sans doute, ils le disent. Si vous pensez qu’ici le devoir d’un juge pénétrant, expérimenté, équitable, soit de croire sans examen tout ce que disent les témoins, la déesse Salus elle-même ne pourrait sauver la plus parfaite innocence ; mais si, dans une action judiciaire, la prudence du juge doit surtout apprécier chaque témoignage et lui assigner sa valeur, certes, Romains, votre fonction est ici bien plus difficile que la mienne, et vous avez bien plus besoin d’attention pour juger cette cause que moi pour la plaider. Moi, je ne dois sur chaque grief interroger un témoin qu’une fois, et en peu de mots ; souvent même je ne dois pas l’interroger, de peur de l’exciter à parler, s’il est animé par la colère, ou de donner du poids à sa déposition, s’il est passionné. Vous, au contraire, vous pouvez revenir plusieurs fois sur le même objet, examiner longtemps le même témoin ; et quand il en est que nous n’avons pas voulu interroger, vous devez considérer quel motif nous avons eu de garder le