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soit portée sur les livres des citoyens romains. Eh bien ! voyez jusqu’où va ma condescendance, et combien je me relâche des précautions minutieuses dont je me suis fait une habitude. Que l’on montre un seul registre qui offre la moindre trace, le moindre indice d’argent donné à Fontéius ; que, dans tout ce grand nombre de négociants, d’habitants des colonies, de fermiers publics, d’agriculteurs, de trafiquants en bestiaux, on produise un seul témoin, et j’avouerai que l’accusation est juste. Quelle cause, grands dieux ! et que la défense est faible ! La province de Gaule, où Fontéius fut préteur, est composée de cités et de peuples, dont quelques-uns, sans parler des siècles passés, ont fait dans le nôtre, au peuple romain des guerres longues et sanglantes ; plusieurs ont été soumis par nos généraux, ou domptés par nos armes, ou flétris par nos triomphes et par des monuments de leur révolte, ou dépossédés de leurs terres et de leurs villes par des décrets du sénat ; d’autres ont combattu contre Fontéius lui-même, et c’est au prix de ses sueurs et de ses travaux qu’il les a remis sous l’empire et la domination de Rome. Dans la même province, nous avons la ville de Narbonne, honorée du nom des Marcius, colonie formée de nos citoyens, qui nous sert comme de citadelle et de forteresse pour observer ces nations et les contenir dans le devoir. Nous y avons encore la ville de Marseille, dont j’ai déjà parlé, peuplée d’alliés courageux et fidèles, qui, en fournissant au peuple romain des troupes et des armes, ont compensé les périls attachés aux guerres contre les Gaulois. Nous y avons enfin une multitude de citoyens romains et de personnages recommandables.

V. C’est cette province, composée d’une si grande diversité de peuples, que Fontéius a, comme je l’ai dit, gouvernée. Ceux qui avaient encore les armes à la main, il les a subjugués ; ceux qui venaient à peine de les déposer, il les a contraints d’abandonner les terres dont les dépouillait notre justice ; quant aux autres, que des victoires sanglantes et répétées avaient pour jamais soumis à l’obéissance de Rome, il en a exigé une nombreuse cavalerie pour les guerres que nous faisions alors dans toutes les parties du monde, de fortes sommes d’argent pour la solde de ces troupes, une grande quantité de blé pour l’entretien de l’armée d’Espagne. Voilà ce qu’a fait celui qu’on appelle à votre tribunal. Vous qui ne l’avez pas vu à l’œuvre, vous jugez sa cause avec le peuple qui se presse ici. Il a pour témoins contre lui, ceux qui n’ont souffert qu’avec une peine extrême toutes ces contributions ; contre lui, ceux qu’en exécution de nos décrets, il a forcés d’abandonner leurs terres ; contre lui, ceux qui, vaincus, mis en fuite, et sauvés du carnage, osent aujourd’hui, par la première fois, paraître devant Fontéius désarmé. Mais la colonie de Narbonne, que veut-elle ? que dit-elle ? Elle veut que vous sauviez celui qu’elle dit l’avoir sauvée. Et la cité de Marseille ? Quand elle le possédait, elle l’a comblé des plus grands honneurs qu’elle pût décerner ; maintenant privée de sa présence, elle vous supplie, elle vous conjure d’avoir quelque égard à sa fidélité, à sa recommandation, à son activité. Quels sont enfin les sentiments des citoyens romains établis dans la Gaule ? Nul d’entre eux, et le nombre en est grand, ne conteste qu’il ait rendu les plus signalés services à la province, à l’empire, aux alliés, et aux citoyens.

VI. Puisque vous voyez ceux qui attaquent