Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point porté par la haine ou forcé par la conscience a venir le déclarer. Ensuite, si l’on parvient, par quelque séduction, à écarter les témoins, les registres sont incorruptibles ; ils demeureront avec toute leur vérité. Supposez que Fontéius n’ait eu que des amis, ou qu’un si grand nombre d’hommes qui ne le connaissent pas, qui lui sont tout à fait étrangers, aient voulu sauver ses jours ou ménager sa réputation, il resterait toujours le témoignage des comptes et des registres, où la fraude, la soustraction, la contradiction entre les recettes et les dépenses, ne peuvent échapper. Tous ceux dont il a été question ont porté sur leurs livres les sommes reçues au nom du peuple romain : s’ils en ont payé ou donné à d’autres d’équivalentes, si tout ce qu’ils ont reçu pour l’État, ils l’ont dépensé pour l’État, il ne peut certes y avoir rien d’altéré dans les comptes. Si d’autres ont détourné quelque argent à leur profit, leur caisse, leurs registres…

……… J’en atteste les dieux et les hommes ! on ne trouve pas un témoin, et il s’agit de trente million deux cent mille sesterces ? Combien en pourrait-on citer ? Plus de six cents. Dans quel lieu de l’univers s’est passée toute cette affaire ? Ici même, ici, dans ce forum que vous avez sous les yeux. A-t-il été donné quelque argent en dehors des formes consacrées ? Non, pas un sesterce n’a changé de place sans avoir été inscrit chaque fois. Quelle est donc cette accusation qui franchit plus facilement les Alpes que le peu de marches du trésor public ; qui défend les finances des Ruthènes avec plus de soin que celles du peuple romain ; qui préfère pour témoins des inconnus à des hommes que nous connaissons, des étrangers à des Romains ; qui croit trouver dans le caprice des barbares un argument plus fort que le registre de nos concitoyens ?

III. Ainsi, de deux magistratures dont l’une et l’autre ont pour objets le maniement et l’administration des plus fortes sommes, le triumvirat et la questure de Fontéius, on peut, juges, rendre un compte si fidèle que les actes de sa gestion, actes dont tout le monde a été témoin, qui intéressaient nombre de personnes, qui sont consignés dans des registres publics et particuliers, n’offrent aucune trace de fraude, ne permettent aucun soupçon du moindre délit.

Vient ensuite sa lieutenance en Espagne, à une époque pleine de troubles, alors que L. Sylla revenait en Italie, et que de nombreuses armées de citoyens se disputaient l’autorité judiciaire et législative. Dans ces temps où l’on désespérait de la république, Fontéius……

IV…. Sous sa préture, la Gaule, dites-vous, se vit accablée de dettes. Mais à qui dit-on qu’elle a emprunté ces énormes sommes ? Est-ce aux Gaulois ? non, certes. À qui donc ? aux citoyens Romains qui font des affaires dans la Gaule. Pourquoi n’entendons-nous pas leurs dépositions ? pourquoi ne produit-on aucun de leurs registres ? Je poursuis vivement l’accusateur ; oui, je le persécute ; oui, je le presse de faire entendre des témoins, et je prends beaucoup plus de peine pour les demander que les autres défenseurs n’en prennent pour les réfuter. Je le dis hardiment, juges ; j’affirme ce que je sais : la Gaule est remplie de négociants et de citoyens romains ; aucun Gaulois ne fait d’affaire sans eux ; il ne circule pas dans la Gaule une seule pièce d’argent qui ne