Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut être chassé d’un lieu si l’on n’y est pas, vous convenez maintenant qu’on peut être chassé d’un lieu dont on est en possession, quoiqu’on n’y soit pas. Pourquoi donc, dans cette ordonnance concernant une violence ordinaire, D’OÙ IL M’A CHASSÉ AVEC VIOLENCE, ajoute-t-on ces mots, LORSQUE J’ÉTAIS EN POSSESSION, si l’on ne peut être chassé à moins qu’on ne soit en possession ? ou pourquoi n’ajoute-t-on pas ces mêmes mots dans cette ordonnance, AU SUJET DES HOMMES ARMÉS, s’il faut examiner si celui qui a été chassé était en possession ou non ? Vous dites qu’on ne peut être chassé à moins qu’on ne soit en possession. Je montre, moi, que si quelqu’un a été chassé sans une troupe d’hommes armés et rassemblés, celui qui avoue avoir chassé gagne sa cause, s’il prouve que celui qu’il a chassé n’était pas en possession. Vous dites qu’on ne peut être chassé à moins qu’on ne soit en possession. Je montre moi par l’ordonnance AU SUJET DES HOMMES ARMÉS, que quand même on pourrait prouver que celui qui a été chassé n’était pas en possession, on doit être condamné si on avoue qu’on l’a chassé.

XXXII. On peut être chassé de deux manières ou sans une troupe d’hommes rassemblés et armés, ou par une violence de cette nature. Pour ces deux cas différents, il y a deux ordonnances différentes. Pour la violence ordinaire, ou simulée, il ne suffit pas de pouvoir montrer qu’on a été chassé, si l’on ne prouve qu’on l’a été lorsqu’on était en possession. Cela même ne suffit point, si l’on ne montre qu’on n’y était, ni par force, ni furtivement, ni précairement. Aussi celui qui déclare qu’il a rétabli, ne craint-il pas d’avouer hautement qu’il a chassé avec violence ; mais il ajoute, Il n’était pas en possession ou même, en convenant que celui qu’il a chassé était en possession, il gagne sa cause s’il prouve que c’était une possession, ou violente, ou frauduleuse, ou précaire. Vous voyez, juges, quels moyens de défense nos ancêtres ont fournis à celui qui a fait violence sans armes et sans multitude rassemblée. Celui, au contraire, qui, s’écartant des formes, des règles, des sages coutumes, a eu recours au fer, aux armes, au meurtre, vous voyez qu’il plaide dépourvu de toute défense et de toute ressource, afin qu’ayant disputé une succession avec les armes, il se prouvât, pour ainsi dire, entièrement désarmé, quand il se défend devant les tribunaux. En quoi donc, Pison, diffèrent les deux ordonnances dont je parle ? quelle différence trouvez-vous d’ajouter ou de ne pas ajouter ces mots, lorsque A. CÉCINA ÉTANT EN POSSESSION OU N’Y ÉTAIT PAS ? Les règles du droit, la diversité des ordonnances, l’autorité de nos ancêtres, tout cela ne fait-il sur vous aucune impression ? Si l’on avait ajouté l’article de la possession, il faudrait l’examiner ; on ne l’a pas ajouté : l’exigerez-vous ? Au reste, ce n’est pas par où je défends Cécina : Cécina était en possession ; et quoique cette question soit étrangère à la cause, je vais cependant, Romains, la traiter en peu de mots : par là vous ne serez pas moins portés à protéger la personne même, qu’à défendre le droit civil.

Vous ne niez pas, Ébutius, que Césennia n’ait eu une possession usufruitière. Le même fermier qui avait loué de Césennia, continuant, après sa mort, à tenir la terre en vertu de la même location, était-il douteux que, si Césennia avait une