Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont j’ai parlé plus haut, dont j’ai montré qu’il avait été l’acquéreur au nom de Césennia, que cette terre est à lui, qu’il l’a achetée pour lui-même. Comment, une terre que Césennia a possédée sans contestation pendant quatre ans, c’est-à-dire, depuis que la terre a été vendue jusqu’à sa mort, vous prétendez qu’elle est à vous ? Oui, dit-il ; et Césennia n’en avait que l’usufruit et la jouissance par le testament de son premier époux. Ébutius, plein de mauvaise foi, faisait donc cette nouvelle chicane : Cécina, de l’avis de ses amis, résolut de fixer un jour où l’on se transporterait sur les lieux, et où lui, Cécina, serait dépossédé suivant les formalités d’usage. On s’abouche, on convient d’un jour. Cécina, avec ses amis, se rend le jour marqué au château d’Axia, qui n’est pas éloigné de la terre en litige. Là il apprend de différentes personnes qu’Ébutius a rassemblé et armé une foule d’hommes libres et d’esclaves. Parmi ceux qui l’accompagnaient, les uns en étaient surpris, les autres ne le croyaient pas. Ébutius lui-même vient au château ; il déclare à Cécina qu’il avait des gens armés ; qu’il lui arriverait malheur s’il approchait. Cécina et ses amis jugèrent à propos de tenter l’aventure, et d’avancer jusqu’où ils pourraient, sans trop s’exposer. Ils descendent du château, et s’acheminent vers la terre. Il y avait, ce semble, de la témérité dans cette démarche ; mais la raison, je pense, qui leur fit prendre ce parti, c’est qu’aucun d’eux ne pouvait supposer à Ébutius le dessein d’effectuer une telle menace.

VIII. Celui-ci place des gens armés dans toutes les avenues qui pouvaient conduire, non seulement au domaine contesté, mais à une terre voisine, qui n’était l’objet d’aucune contestation. Cécina voulut donc d’abord entrer dans une possession qui lui appartenait depuis longtemps, et par où l’on pouvait approcher de plus près du terrain en litige : une foule de gens armés s’y opposèrent. Chassé de cet endroit, il s’efforce de pénétrer, comme il peut, à la terre dont il devait être éloigné par une violence simulée, d’après la convention. L’extrémité de cette terre est bardée d’une rangée d’oliviers. Cécina en approchait : Ébutius se présente avec toute sa troupe ; et, appelant par son nom son esclave Antiochus, il lui dit assez haut pour être entendu, de tuer le premier qui entrerait dans la rangée d’oliviers. Cécina, si prudent, suivant moi, me semble avoir eu, dans cette occasion, plus de courage que de prudence. Il voyait une multitude de gens en armes, il avait entendu ces paroles d’Ébutius. Il s’approcha néanmoins ; et déjà il avait passé les oliviers qui bordent l’héritage, lorsqu’il fut obligé de battre en retraite pour éviter l’attaque violente d’Antiochus armé, et celle des autres qui lui lançaient des traits. Ses amis, et ceux qui l’avaient accompagné, prennent en même temps la fuite, saisis de crainte, comme vous l’avez entendu dire à un témoin des adversaires. Cécina porte donc ses plaintes au préteur Dolabella, lequel rend une ordonnance suivant la coutume, AU SUJET DE LA VIOLENCE FAITE AVEC DES GENS ARMÉS, sans aucune clause, en ces termes : On rétablira celui qui a été chassé par la violence. Ébutius déclare qu’il n’est point dans le cas de l’ordonnance. Les deux contendants consignent une somme ; le procès s’engage, et c’est à vous, magistrats, de le juger.

IX. Cécina devait désirer avant tout de ne pas avoir de procès, ensuite de n’en pas avoir avec