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l’argent dans le partage ; cet argent ne pouvait être mieux employé. Césennia est donc déterminée. Elle donne commission d’acheter la terre. À qui, magistrats ? Ne vous revient-il pas à l’esprit, cet homme toujours prêt à se charger des affaires de Césennia, sans lequel rien ne pouvait se faire avec assez d’intelligence, avec assez d’adresse ? Vous rencontrez juste.

VI. Ébutius est chargé de la commission. Il se trouve à la vente, il met l’enchère. Beaucoup sont détournés d’acheter, les uns par le prix, les autres par considération pour Césennia. La terre est adjugée à Ébutius. Ébutius promet de l’argent au banquier. Et c’est par le témoignage de celui-ci que notre homme de bien prétend aujourd’hui prouver qu’il a acheté pour lui-même ; comme si on avait douté alors qu’elle ne fût achetée pour Césennia. La plupart le savait, presque tout le monde l’avait entendu dire ; les autres avaient bien des raisons pour le conjecturer : il devait revenir de l’argent à Césennia dans la succession ; il lui était avantageux d’en acheter des terres ; les terres étaient fort à sa bienséance, elles étaient vendues ; celui-là enchérissait, qu’on était accoutumé à voir agir pour Césennia ; enfin nul ne pouvait soupçonner qu’il achetât pour lui-même.

Cette acquisition faite, l’argent est payé par Césennia. Ébutius s’imagine qu’on ne saurait le prouver, parce qu’il a détourné lui-même les registres de cette dame, et qu’il présente ceux du banquier sur lesquels est porté ce qu’il a payé et ce qui lui a été adjugé ; comme si la chose avait pu se faire autrement. Tout s’étant passé ainsi que je viens de le, dire, Césennia prit possession de la terre et la donna à ferme. Elle épousa peu de temps après Cécina. Pour trancher court, Césennia mourut après avoir fait son testament. Elle institue Cécina son héritier pour onze douzièmes et demi de la succession. Des trois soixante douzièmes qui restent, elle en lègue deux à Fulcinius, affranchi de son premier époux ; le troisième elle l’abandonne à Ébutius pour récompense de ses soins et de ses peines, si toutefois il s’en était donné quelques-unes. Il regarde, lui, ce modique legs comme le fondement sur lequel il peut bâtir toutes ses chicanes.

VII. Dès le commencement, il osa dire que Cécina était inhabile à hériter de Césennia, parce que, enveloppé dans la disgrâce des habitants de Volaterre, il ne jouissait pas de tous les droits de citoyen. On croira peut-être que Cécina, en homme timide et peu instruit, n’ayant ni assez de résolution, ni assez de lumières, n’a pas jugé que la succession valût la peine de se voir contester son titre de citoyen romain ; on croira qu’il a cédé à Ébutius tout ce qu’il voulait des biens de Césennia. Non, certes ; mais il détruisit et pulvérisa cette extravagante chicane avec toute la fermeté d’un homme sage et courageux. Ébutius avait part à la succession ; se prévalant de sa modique portion de legs, il prend le titre d’héritier, et demande un arbitre pour les partages. Au bout de quelques jours, ne pouvant rien arracher de Cécina par la crainte d’un procès, il lui déclare à Rome, dans la place publique, que la terre