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son véritable sens, ne convient qu’à la stipulation judiciaire qui était en usage entre les parties plaidantes, et par laquelle elles convenaient d’une certaine somme payable par celle qui perdrait sa cause ; c’était proprement une gageure que faisaient les plaideurs entre eux sur l’événement douteux de leur procès : et c’est de là qu’on a dit, sponsione lacessere, sponsione contendere, vincere sponsionem. À l’exemple des gageures judiciaires, on a donné le nom de sponsio à toutes les gageures ordinaires et communes.

Sex lictores circumsistunt valentissimi. À Rome, le préteur n’avait que deux licteurs ; mais dans les provinces il en avait six, de même que le proconsul. Ces licteurs marchaient un à un ; et le chef, qu’on appelait proximus lictor, précédait immédiatement le magistrat.

LVII. Ἐδικώθησαν. La ressemblance de ce mot avec ἐδικαιώθησαν (ils ont été justifiés) avait abusé Verrès, à peu près comme on pourrait être abusé chez nous, lorsqu’on entend dire à des gens du peuple qu’un homme a été justifié, pour signifier qu’il a été justicié.

LXIII. Legesque Semproniae. Caïus Sempronius Gracchus renouvela, en 650, une loi que Porcius Lecca, tribun du peuple, avait déjà fait recevoir environ 150 ans auparavant. Cette loi défendait à tout magistrat de faire battre de verges et de condamner à mort un citoyen romain. La peine capitale ne pouvait être prononcée que par le peuple dans l’assemblée des centuries, ou par les tribunaux en vertu d’une loi spéciale contre tel ou tel délit. Cicéron dit, leges Semproniae, parce que ce même tribun, C. Gracchus, fit recevoir plusieurs lois pour assurer l’état et la personne des citoyens contre le pouvoir et les entreprises des magistrats.

Tribunicia potestas. L’an 672, Sylla, dictateur, renferma cette magistrature dans l’unique fonction pour laquelle on l’avait instituée. Il ne laissa aux tribuns que le droit d’opposition, et leur ôta le droit d’appel, le pouvoir de convoquer le peuple et de porter des lois. Il avilit même le tribunat, en ordonnant que celui qui l’aurait exercé serait exclu de toutes les autres dignités. Mais dès l’an 683, Pompée, pour plaire au peuple, rétablit les tribuns dans toutes leurs prérogatives. Ils s’y maintinrent jusqu’à la fin de la république.

LXVIII. Nolo eus judices. Hortensius ne se faisait pas scrupule d’acheter les suffrages des juges : dans une cause importante, voulant s’assurer de leur fidélité à remplir le marché, il leur avait fait distribuer des tablettes d’une couleur particulière, et par là il pouvait facilement reconnaître ceux qui l’avaient trompé. C’est à quoi Cicéron fait illusion par ces mots : Nota eos judices, quos ego probarim atque delegerint, sic in hoc urbe notatos ambulare, ut non cera, sed cœno obliti esse videantur. La traduction littérale ne serait ni supportable, ni même intelligible.

LXX. M. Catonis hominis sapientissimi. Il s’agit ici de Porcius Caton le censeur, qui a été un des plus grands hommes de la république. Il parvint à toutes les dignités par son seul mérite et malgré l’opposition des nobles. irréconciliable ennemi des mauvais citoyens, il accusa quarante quatre fois, fut accusé quarante fois, et fut toujours absous. Voyez Pline, VII, 27. Nous lisons dans Tite-Live, XXXIV, 40, que Caton avait quatre-vingt-dix ans lorsqu’il accusa Galba.

Postea Q. Pompeius. Il ne s’agit pas ici du grand Pompée, mais d’un de ses ancêtres, qui le premier a donné de l’éclat à cette famille. On le disait fils d’un jouer de flûte. Il fut consul l’an de Rome 612.

LXXI. In hoc reo finem accusandi facere. Cicéron, depuis l’affaire de Verrès, consacra toujours son talent à la défense des accusés. Il ne se permit qu’une seule fois d’être accusateur. Ce fut après le procès de Milon. Il accusa Munatius Bursa, qui avait été un des plus ardents persécuteurs de ce citoyen. Il le fit condamner comme complice des factieux qui, pendant les funérailles de Clodius, avaient mis le feu à la salle du sénat. Son discours ne nous est point parvenu. On voit dans sa lettre à Marius, Ep. famil., VII, 2, combien il fut sensible à ce succès. Il servait sa haine, il vengeait son ami, il l’emportait sur Pompée, qui défendit lui-même Munatius devant les juges qu’il avait nommés.


ÉVÉNEMENT DU PROCÈS.

Verrès ayant prévenu son jugement par un exil volontaire, ses biens furent saisis et vendus au profit des Siciliens. Cicéron, à la fin de son discours intitulé, Actio prima in Verres, cap. 18, réclamait en leur nom quarante millions de sesterces (neuf millions) : Dicimus C. Verres quadringenties sestertium ex Sicilia contra legem abstulisse. Il est vrai que, dans son discours contre Cécilius, il avait fait monter le dommage des Siciliens à cent millions de sesterces (22, 250, 000 fr.) ; mais c’était une estimation vague, et qui n’était point encore fondée sur d’exactes informations. Après son voyage de Sicile, il réduisit ses demandes à la moitié à pets près de cette somme. C’en est bien assez pour nous donner une idée affreuse des concussions des préteurs dans leurs provinces, et de l’abus qu’ils faisaient d’un pouvoir illimité.

Verrès vécut loin de Rome dans la honte et l’opprobre, abandonné de tous ceux qu’il avait crus ses amis. Si l’on en croit Sénèque, Suasor, VI, 6. il reçut, de la pitié de Cicéron, des secours qui adoucirent un peu la rigueur de son sort. Enfin, il revint à Rome après la mort de César, à la faveur de la loi qui rappelait les bannis ; mais ayant refusé à Marc-Antoine quelques statues qui lui restaient encore, il fut mis au nombre des proscrits, Plin., XXXIV, 2, et l’accusé survécut à peine quelques jours à son illustre accusateur.