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On n’entrait dans le temple de l’Honneur qu’après avoir passé par celui de la Vertu.

LVI. Gramineas hastas. Les commentateurs se sont donné bien des peines pour déterminer le sens de ces mots. Pour Hastas, il ne peut y avoir aucune difficulté. Les sceptres des dieux n’étaient autre chose que des piques. Jupiter, Junon et Minerve sont représentés, dans beaucoup de médailles, portant à la main gauche une pique sans fer. Chez les Romains aussi, la pique était le symbole de la puissance. Lorsque les préteurs rendaient la justice et présidaient les tribunaux, deux piques étaient dressées au bord de l’estrade sur laquelle était placé le siège de ces magistrats. Une pique indiquait toujours les ventes publiques qui se faisaient par l’ordre d’un magistrat supérieur.

Quant à gramineas, qui est inexplicable, la traduction y substitue fraxineas, proposé par deux savants critiques, Hotman et Lambin.

LVII. Quem Graeci Οὔριον nominant. Les Grecs l’avaient nommé Οὔριοσ, protecteur des limites. On ne sait trop pourquoi les Romains lui avaient donné le nom d’Imperator, qui n’a aucune analogie avec le mot grec. On a soupçonné quelque altération dans ce mot ; à moins que les Grecs ne lui aient donné ce nom comme exprimant sa puissance, puisque la protection qu’il accordait aux limites des terres est un acte du souverain pouvoir. Il y a des médailles de Néron qui ont au revers l’image de Jupiter avec cette légende, JUPITER CUSTOS.

LX. Vectigales aut stipendiarios. Par le premier mot, il faut entendre ceux des alliés à qui les Romains avaient laissé la jouissance de leurs terres, à condition qu’ils payeraient seulement le dixième des productions. Cette dîme était variable et proportionnée au produit de la récolte. Stipendiarii désigne les alliés dont les impositions étaient fixées et déterminées, et qui étaient obligés de plus à fournir des soldats, des vaisseaux, etc., quand les Romains avaient une guerre à soutenir.

Lentus es, et pateris nulli patienda marito.

LXII. In qua inauratam C. Verris statuam viderem. Cette statue avait été érigée à Verrès, comme bienfaiteur de Syracuse, lorsqu’il eut adjugé à cette ville l’héritage dont il dépouillait Héraclius.

LXV. Prætor appellatur. À Rome, on formait appel au peuple, et dans les provinces au préteur.

Caesetlus. Dans la plupart des anciennes éditions, on lit Caecilius. Mais si cet homme avait été Cécilius, l’orateur n’aurait pas manqué de lui reprocher cette conduite dans son premier Discours intitulé Divinatio.

LXVI. Quod quidem apud Graecos graece locutus, id ferri nulla modo posse. La fierté des Romains ne permettait pas à leurs magistrats de faire usage d’une langue étrangère dans l’exercice de leurs fonctions. Les préteurs se servaient d’interprètes, quoiqu’ils connussent la langue des peuples qu’ils gouvernaient. Les jugements étaient rendus et les actes publics étaient écrits en latin. Dans la circonstance présente, Cicéron n’était pas magistrat ; c’était un simple citoyen chargé de la cause des Siciliens.

Tabulas tributarias. C’est encore un jeu de mots. Tributarius veut dire, qui concerne le Tribut. Le sénat envoyait quelquefois des ordres aux préteurs pour qu’ils imposassent des tributs. C’était ce qu’on appelait tabulae tributariae. L’orateur détourne le sens du mot, et entend des lettres qui apportent un tribut, comme nous dirions des lettres de change et des billets à ordre.

LXVI. Ego legem recitare, omnim mihi tabularum. La loi Cornélia permettait à quiconque accusait un concussionnaire, d’emporter de son gouvernement toutes les pièces probantes et tous les registres, excepté ceux des receveurs publics. Cette loi punissait avec sévérité ceux qui gênaient un accusateur dans ses recherches.


LIVRE CINQUIÈME

I. In judicio M. Aquillii. L’an de Rome 651, Marius Aquillius, collègue de Marius dans son cinquième consulat, fut envoyé en Sicile, pour soumettre les esclaves révoltés qui, depuis trois ans, se soutenaient avec avantage contre les forces romaines. Il remporta sur eux une victoire signalée dans laquelle il tua, de sa propre main, Athénion, leur chef, après avoir reçu lui-même une blessure à la tête. Il parvint bientôt, par la face de ses armes et la sagesse de ses règlements, à rétablir l’ordre et la tranquillité dans la province. Mais ce brave général était avide d’argent ; il commit bien des injustices. À son retour à Rome, on l’accusa de concussion. Il ne dut son salut qu’au talent de Marcus Antonius, que Cicéron a célébré comme un des plus habiles orateurs que Rome ait produits. Dans le Traité de Oratore, II, 47, il entre dans de grands détails sur la manière dont Marcus Antonius traita cette cause. M’. Aquillius ayant été livré à Mithridate par les Lesbiens, l’an de Rome 660, ce prince, après lui avoir fait essuyer les traitements les plus cruels, lui versa de l’or fondu dans la bouche pour insulter à son avidité et à celle de tous les Romains.

II. Cum M. Crasso aut Cn. Pompeio communicandam. Il s’agit ici de la guerre de Spartacus, qui fut vaincu par Crassus l’an de Rome 681. On peut être étonné que Cicéron nomme Pompée comme partageant avec Crassus l’honneur de cette victoire. En voici la raison. Quatre ou cinq mille esclaves échappés au carnage tombèrent entre les mains de Pompée qui revenait d’Espagne avec son armée ; ils furent taillés en pièces. Ce général voulut s’attribuer l’honneur d’avoir terminé cette guerre. Il écrivit au sénat que Crassus avait battu l’armée des esclaves, mais que, pour lui, il avait coupé jusqu’aux racines de la rébellion. Cicéron, qui n’aimait pas Crassus, a souvent flatté cette vaine prétention de Pompée. L’histoire a été plus équitable, et Crassus est demeuré en possession de la gloire d’avoir terminé en six mois une guerre qui n’avait pas causé moins d’alarmes aux Romains que celle d’Annibal.

VI. Fecisse videri pronuntiat. C’était la formule en usage. Lorsque les juges condamnaient un accusé, ils disaient Fecisse videtur, il paraît avoir fait ce dont on l’accuse. Les Romains évitaient le ton affirmatif. La formule prescrite pour les dépositions des témoins était énoncée avec la même circonspection. Ils ne disaient pas, J’ai vu, j’ai entendu ; mais, Je crois avoir vu, avoir entendu : arbitror me vidisse. Cicéron, dans son plaidoyer pour Fontéius chap. 9, s’emporte contre le Gaulois Induciomare, qui, dans son témoignage, n’a pas employé une seule fois le mot arbitror, je pense : Qui primums illud verbum consideratissimum nostrae consuetudinis is, arbitror, quo nos etiam tunc utimur, quum ea dicimus jurati, quae comperta habemus, quae ipsi vidimus, ex toto testmionio suo sustulit, atque omnia se scire dixit.

VIII. Sacerdotibusque publicis. Les prêtres publics n’étaient attachés au service d’aucune divinité ni d’aucun temple en particulier. Ils offraient des sacrifices et des prières au nom de l’État, dans les temples que le magistrat avait désignés.

XI. Lectica octophoro. Les lois romaines, dans leur sévérité, ne permettaient pas de se faire traîner par des chevaux, excepté dans les marches triomphales et dans