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à l’école des Féciaux, un saint et scrupuleux observateur de la foi des traités ! Hâtons-nous de livrer aux Mamertins tous vos prédécesseurs qui ont exigé d’eux un vaisseau contre la teneur du traité. Toutefois, homme intègre et religieux, les Taurominiens sont aussi nos confédérés : pourquoi exiger d’eux un vaisseau ? Nous ferez-vous croire que, les droits des deux peuples étant égaux, vous n’avez pas mis un prix à cette variation de principes, à cette inégalité de traitement ? Eh ! si je fais voir, par le texte même des traités conclus avec l’un et avec l’autre, que les Taurominiens sont expressément dispensés de fournir un vaisseau, que les Mamertins y sont formellement obligés, que Verrès a doublement enfreint le traité, en imposant les uns, en exemptant les autres, pourrez-vous douter que, sous sa préture, le Cybée n’ait été un titre plus puissant en faveur des Mamertins, que le traité d’alliance en faveur des Taurominiens ? Qu’on lise les traités. Traité d’alliance des Mamertins et des Taurominiens avec le peuple romain.

XX. Par cette exemption que vous nommez bienfait, et qui n’est dans la réalité que le fruit du trafic le plus honteux, vous avez porté atteinte à la majesté de la république, sacrifié les secours dus au peuple romain, et les ressources que le courage et la sagesse de nos ancêtres lui avaient assurées, anéanti son droit de souveraineté, les conditions des alliances et le souvenir des traités. Des hommes qui, d’après une cause expresse, devaient, à leurs frais et périls, conduire un vaisseau armé en guerre, même jusqu’à l’Océan, si nous l’avions ordonné, ont acheté de vous, au mépris des traités et des droits de notre empire, la dispense de naviguer dans le détroit, à la vue de leurs maisons, et de défendre leur port et leurs propres murailles. À quels travaux, à quels services, à quelle taxe enfin ne se seraient-ils pas soumis, pour que cette obligation ne leur fût pas imposée par le traité ? Outre que cette clause était onéreuse pour eux, elle semblait imprimer à leur alliance la tache de la servitude. Eh bien ! ce que nos ancêtres refusèrent à leurs sollicitations, lorsque leurs services étaient récents, lorsque l’usage n’était pas encore établi, lorsque le peuple romain n’éprouvait aucun besoin pressant, ces mêmes peuples, sans aucun nouveau service, après un si long espace de temps, quand notre droit avait été consacré chaque année par une possession constante, quand nous avions le plus grand besoin de vaisseaux, ces mêmes peuples l’ont obtenu de Verrès pour une somme d’argent. Et cette faveur n’est pas la seule. En effet, pendant les trois années de sa préture, les Mamertins ont-ils fourni un matelot, un soldat pour le service de la flotte ou des garnisons ?

XXI. Enfin, lorsqu’un décret du sénat et la loi Térentia-Cassia vous ordonnaient d’acheter dans toutes les villes de la Sicile une quantité de blé proportionnée à leurs moyens, vous avez encore dispensé les Mamertins de cette charge légère et commune. Vous direz qu’ils ne doivent point de blé. Comment l’entendez-vous ? est-ce à dire qu’ils sont dispensés de nous en vendre ? car je ne parle ici que du blé qui doit être acheté. Ainsi, d’après votre interprétation, ils n’ont pas dû même nous ouvrir leurs marchés, et vendre des vivres au peuple romain.