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l’arrivée du préteur à la victoire du général ; la cour impure du magistrat à l’armée invincible du guerrier ; les violences de l’un à la modération de l’autre : et vous direz que le vainqueur de Syracuse a semblé en être le fondateur, et que l’administrateur l’a traitée comme s’il l’avait prise d’assaut. Et je ne rappelle pas ce que j’ai déjà dit, ce qu’il me faudra dire encore, que le forum de Syracuse, que nul carnage n’avait souillé quand Marcellus entra dans la ville, fut, à l’arrivée de Verrès, inondé du sang des Siciliens innocents ; qu’une barque de pirates ciliciens est entrée sans résistance dans le port de Syracuse, jusqu’alors impénétrable aux flottes de Rome et de Carthage. Je ne dis pas que, sous sa préture, les hommes et les femmes ont essuyé des outrages que les soldats ennemis et furieux n’avaient pas commis, malgré les usages de la guerre et les droits de la victoire. Non, tous ces forfaits accumulés pendant les trois années de son administration, je les passe sous silence : je ne parlerai que des crimes qui se rapportent à ceux dont je m’occupe en ce moment.

On vous a dit souvent que Syracuse est la plus grande des villes grecques, et la plus belle de toutes les villes ; elle l’est en effet. Cette cité, forte par sa position, offre une perspective admirable, tant du côté de la terre que du côté de la mer. Ses deux ports pénètrent dans l’enceinte de ses murs, et sont entourés d’édifices. Ils ont chacun une entrée particulière, et vont aboutir au même bassin ; c’est ce qui forme la partie qu’on nomme l’île, et qui, séparée par un petit bras de mer, communique par un pont au reste de la ville.

LIII. Syracuse est si vaste qu’elle semble composée de quatre grandes villes : la première est l’île dont je viens de parler ; baignée par les deux ports, elle se prolonge jusqu’à leur embouchure. C’est là que se trouve l’ancien palais d’Hiéron, aujourd’hui le palais du préteur. On y voit aussi un grand nombre de temples. Deux l’emportent sur tous les autres ; celui de Diane, et celui de Minerve, richement décoré avant la préture de Verrès. A l’extrémité de lile est une fontaine d’eau douce, qu’on nomme Aréthuse : son bassin, d’une grandeur immense, rempli de poissons, serait inondé par la mer, s’il n’était défendu par une forte digue.

La seconde ville, l’Achradine, renferme un forum spacieux, de très-beaux portiques, un superbe prytanée, un vaste palais pour le sénat, un temple majestueux de Jupiter Olympien : une rue large, coupée d’une infinité d’autres rues, la traverse dans toute sa longueur. La troisième a été nommée Tycha, parce qu’il y avait autrefois un temple de la Fortune. On y remarque un très grand gymnase, et plusieurs édifices sacrés. C’est la partie la plus populeuse. La quatrième est la Ville-Neuve, ainsi nommée parce qu’elle a été bâtie la dernière. Dans sa partie la plus haute, est un théâtre immense ; on y voit de plus deux temples très-bien bâtis, l’un de Cérès, l’autre de Proserpine, une statue d’Apollon surnommé Téménitès, très-belle et d’une grandeur colossale ; Verrès l’aurait enlevée, si le transport avait été possible.

LIV. Je reviens à Marcellus, et vous verrez