Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CE QU’ILS NE POURRONT Y GARDER, IL LEUR SERA PERMIS DE L’ENLEVER ET DE LE TRANSPORTER AILLEURS. Que lit-on encore ? ON N’AURA PAS LE DROIT DE CHASSER DE FORCE LE PROPRIÉTAIRE. Oui, celui qui se cache par mauvaise foi, celui que personne ne défend en justice, celui qui se joue de ses créanciers, le législateur défend qu’on le chasse malgré lui de son domaine. Au moment où vous allez entrer en possession, Névius, le préteur lui-même vous dit expressément : Possédez de manière que Publius possède avec vous ; possédez, mais sans user de violence envers Publius. Comment observez-vous cet ordre ? Je ne dis plus : Vous avez employé la violence contre un homme qui ne se cachait pas, qui avait à Rome sa maison, sa femme, ses enfants, son fondé de pouvoir, qui n’avait manqué envers vous à aucun ajournement. Ce n’est plus là ce que je dis. Je dis qu’un propriétaire a été chassé de son domaine ; qu’un maître a vu ses propres esclaves porter sur lui une main criminelle, à la face de ses dieux pénates ; je dis….

XXVIII. J’ai prouvé que Névius n’avait pas dit un mot de sa créance à Publius, quoiqu’ils vécussent ensemble et qu’il pût s’en expliquer tous les jours. J’ai fait voir que, par une odieuse préférence, et afin de perdre son adversaire, il avait mieux aimé affronter les difficultés de la procédure la plus épineuse, que de terminer en un jour une simple discussion d’intérêt, qui de son aveu a donné naissance a toute cette affaire. À cette occasion, je lui ai offert caution pour la somme qu’il disait lui être due, à condition que Publius recevrait pareillement caution, pour ce qu’il pourrait aussi avoir a réclamer. J’ai montré combien de ménagements il fallait employer avant de requérir la saisie contre un parent, et un parent qui avait à Rome sa maison, sa femme, ses enfants, un fondé de pouvoir, ami des deux parties. On veut qu’il y ait eu défaut : j’ai établi qu’il n’y avait pas même eu d’ajournement, et que le jour où l’on prétend qu’il en avait été consenti un, Publius n’était pas à Rome. C’est un fait dont je me suis engagé a produire des témoins, qui doivent le savoir, et qui n’ont aucun intérêt de mentir. J’ai démontré que les biens de mon client n’ont pu être possédés aux termes de l’édit, parce qu’il ne s’est ni caché pour frustrer ses créanciers, ni éloigné de ses foyers pour aller en exil. Restait à dire que personne ne l’a représenté en justice : j’ai soutenu qu’il a été parfaitement représenté, non par un étranger, ni par un plaideur et un intrigant de profession, mais par un chevalier romain, son parent et son ami, par celui-même auquel Névius avait coutume de laisser sa procuration. J’ai dit que son appel aux tribuns n’était pas un refus de se laisser juger ; que le crédit du fondé de pouvoir n’a pas mis en péril les droits de Névius ; que le crédit de Névius, au contraire, qui alors n’était que supérieur au nôtre, nous écrase maintenant et nous anéantit.

XXIX. J’ai demandé pourquoi les biens prétendus saisis n’ont pas été vendus, comment il se fait que de tant de créanciers aucun n’ait alors poursuivi Publius ; qu’aucun ne s’élève maintenant contre lui ; que tous, au contraire, s’intéressent à son triomphe ; et cela dans une cause ou les témoignages des créanciers doivent être du plus grand poids. J’ai confondu mon adversaire par ses propres actes, en rappelant qu’il s’est naguère déclaré l’associé d’un homme qui, à l’entendre aujourd’hui, ne comptait pas même alors au nombre des vivants. J’ai fait connaître son incroyable célérité, ou plutôt son audace inouïe ; j’ai démon-