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celui-ci, vous vous ôtez jusqu’à la ressource du mensonge. Une cupidité si ardente, si audacieuse, si téméraire, trouvera-t-elle grâce devant Aquillius et ses assesseurs ? Que signifie cette fureur aveugle, cette étrange précipitation, cette fougueuse impatience ? Violence, crime, brigandage, tout n’est-il pas là-dedans, tout, excepté la justice, la probité, l’honneur ? Vous envoyez avant l’ordre du prêteur. Dans quel dessein ? Vous saviez qu’il donnerait cet ordre ! Eh ! ne pouviez-vous pas attendre qu’il l’eût donné ? Vous alliez le demander ! Quand ? dans trente jours sans doute. Oui, s’il ne vous survenait aucun obstacle, si vous ne changiez point d’avis, si vous ne tombiez point malade, enfin si vous viviez. Le préteur l’eût accordé ! Je le crois ; mais il fallait pour cela qu’il le voulût, qu’il se portât bien, qu’il tînt l’audience, que personne n’arrêtât vos poursuites en consentant à fournir caution, et à courir les chances d’un jugement. Car je vous le demande au nom des dieux : si Alphénus, représentant de Publius, vous avait alors donné caution, s’il eût accepté des juges, s’il se fût soumis à tout ce que vous demandiez, qu’eussiez-vous fait ? Auriez-vous rappelé votre envoyé de la Gaule ? Mais déjà Publius aurait été chassé de son domaine ; un propriétaire aurait été arraché à ses foyers, à ses dieux pénates ; et pour comble d’outrage, c’est la main de ses propres esclaves, qui, sur un simple message de vous, aurait exercé contre lui ces violences. Auriez-vous donc réparé dans la suite ces torts irréparables ? Et vous osez attaquer en justice l’honneur et la vie d’un citoyen ! Ah ! rougissez plutôt de l’étrange aveuglement où vous a plongé votre impatiente avarice, lorsque, sans songer à tous les événements que l’avenir dérobe à notre prévoyance, vous avez placé sur les chances incertaines d’un temps qui n’était pas encore, l’espoir d’un forfait que vous ne vouliez pas différer. Et je parle en ce moment, comme si vous aviez eu le droit et le pouvoir d’employer la force pour déposséder Publius, quand même vous n’auriez envoyé qu’après l’ordonnance de saisie prendre possession du domaine.

XXVII. Oui, Aquillius, tout dans cette affaire montre la mauvaise foi soutenue de la puissance, aux prises avec la vérité sans appui. Comment le préteur vous a-t-il envoyé en possession ? Sans doute d’après son édit. Quels sont les termes du défi juridique sur lequel nous plaidons ? Si les biens de P. Quintius n’ont pas été possédés aux termes de l’édit du préteur. Revenons à l’édit. Comment ordonne-t-il que l’on possède ? N’est-il pas évident, Aquillius, que si Névius a possédé tout autrement que ne porte l’édit, il n’aura pas possédé aux termes de l’édit, et que ma cause est gagnée ? Voyons donc ce qu’il porte. Ceux qui seront entrés en possession d’après mon édit… Il parle de vous, Névius, s’il faut vous en croire ; car vous dites avoir possédé d’après l’édit. Il vous trace des règles de conduite, il vous instruit, il vous donne des leçons. Ceux qui seront entrés en possession d’après mon édit, se conduiront comme il est prescrit… Comment ? Ce qu’ils pourront garder convenablement sur les lieux, qu’ils le gardent sur les lieux.