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de ce temple. Votre nom, consacré avec ce superbe édifice, arrivera comme lui à l’immortalité. C’est pour vous un devoir, une obligation sacrée, de tout faire pour que le nouveau Capitole, déjà plus magnifique par la majesté de l’architecture, devienne aussi plus éclatant par la richesse des décorations ; il faut qu’on dise que la flamme qui l’avait consumé était descendue du ciel, non pour détruire le temple de Jupiter, mais pour vous avertir d’en élever un autre plus brillant encore et plus magnifique.

Minucius Rufus a déposé que le roi Antiochus a logé chez lui à Syracuse, qu’il sait que le candélabre fut porté chez Verrès, qu’il sait aussi qu’il n’a pas été rendu ; il a déposé, et tous les Romains établis a Syracuse répéteront qu’ils ont entendu le roi Antiochus dédier et consacrer ce même candélabre au grand Jupiter. Si vous n’étiez pas juge dans cette cause, et que ce crime vous fût dénoncé, ce serait à vous de le déférer aux tribunaux, de le poursuivre et de vous porter accusateur. Je n’ai donc pas de doute sur l’arrêt que vous allez prononcer, puisque, devant d’autres juges, vous devriez accuser avec encore plus de chaleur que je ne le fais moi-même.

XXXII. Et vous, juges, concevez-vous rien de plus indigne et de plus intolérable ? Verrès aura dans sa maison le riche, le magnifique candélabre du grand Jupiter ! cet inappréciable chef-d’œuvre, qui devait remplir de sa splendeur le temple du maître des dieux, prêtera sa lumière à ces festins honteux et souillés par les débauches les plus scandaleuses ! les ornements du Capitole, placés dans la maison d’un infâme, seront confondus avec les meubles d’une Chélidon ! Pensez-vous que rien puisse jamais être sacré pour Verrès, ou qu’il ait jamais rien respecté, lui, qui ne sent pas encore toute l’énormité de son crime ; lui, qui ose se présenter dans une cause ou il ne peut pas, comme les autres accusés, lever les mains vers Jupiter et implorer son appui ; lui, enfin, qui voit les dieux recourir à un tribunal qui jusqu’ici n’avait entendu que les réclamations des hommes ? S’il n’a pas épargné le Capitole même, faut-il s’étonner qu’il ait pillé dans Athènes le temple de Minerve, le temple d’Apollon à Délos, à Samos celui de Junon, celui de Diane à Perga, enfin ceux de tant de dieux dans la Grèce et dans toute l’Asie ? Ce temple que des particuliers s’empressent, et s’empresseront toujours de décorer de leurs richesses, Verrès n’a pas souffert qu’il fût décoré par un roi ! Aussi, depuis cette époque funeste, rien n’a pu réprimer son audace sacrilège ; et sa conduite dans la province a été constamment celle d’un brigand, qui a déclaré la guerre non-seulement aux hommes, mais encore aux dieux immortels.

XXXIII. Ségeste est une ville de la plus haute antiquité : on assure qu’elle fut bâtie par Énée, lorsque ce prince, échappé des ruines de Troie, aborda sur les côtes de la Sicile. Aussi les Ségestains se croient-ils unis avec le peuple romain, autant par les liens du sang que par ceux d'une alliance et d’une amitié qui ne souffrirent jamais d’interruption. Dans une guerre qu’ils soutinrent en leur nom contre les Carthaginois, leur ville fut prise et détruite. Tout ce qui pouvait servir à l’embellissement de Carthage fut emporté par les vainqueurs. Parmi les dépouilles était une Diane en bronze, objet du culte le plus antique