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le blé de Sicile est estimé en vertu de la loi. Agir de la sorte, n’est-ce pas comme si vous n’eussiez point rejeté le blé, que vous l’eussiez accepté et reçu, que vous eussiez gardé tout l’argent de notre trésor sans rien payer à aucune ville, lorsque l’estimation de la loi est telle que les Siciliens ne devaient pas s’en plaindre dans les autres temps, et que même ils devaient s’en louer sous votre préture ? En effet, le boisseau est estimé trois sesterces par la loi, et il était vendu deux sesterces sous votre préture, comme vous vous en applaudissiez dans beaucoup de lettres écrites à vos amis. Mais je suppose qu’on l’ait vendu trois sesterces, puisque vous les avez exigés des villes par boisseau : vous qui pouviez faire le plus grand plaisir aux agriculteurs en payant aux Siciliens ce qui vous avait été prescrit par le peuple romain, non seulement vous les avez frustrés de ce qu’ils devaient recevoir, vous en avez exigé même ce qu’ils ne devaient pas donner.

Tous ces faits, juges, sont prouvés par les registres des villes, et par les dépositions faites en leur nom ; on n’y trouvera rien qui soit supposé, rien qui soit imaginé pour le besoin du moment. Tout ce que nous disons est mis et porté par ordre dans les comptes des peuples, et ces comptes ne sont ni raturés, ni embrouillés, ni écrits à la hâte, mais faits en règle et en bonne forme. Greffier, lisez les comptes des habitants d’Halèse. À qui dites-vous qu’on a donné de l’argent ? Parlez, parlez plus haut. À VOLCATIUS, À TIMARCHIDE, À MEVIUS.

LXXVI. Quoi ! Verrès, vous ne vous êtes pas même réservé cette défense, que ce sont les entrepreneurs des blés qui ont réglé toute cette affaire, qui ont rejeté le blé, qui se sont arrangés avec les villes pour de l’argent, qui ont reçu de vous de l’argent au nom des villes, et qui ensuite ont acheté eux-mêmes du blé à leur compte ; que cela ne vous regarde en rien ? Ce serait assurément une défense misérable pour un préteur de dire : Je n’ai reçu ni examiné de blés, j’ai laissé aux entrepreneurs toute liberté de rejeter et d’accepter ; ils ont fait donner de l’argent aux villes, et ont reçu de moi celui que j’aurais dû donner aux peuples. Ce serait là, je le répète, une défense misérable ; mais enfin quelle qu’elle soit, vous ne pouvez vous en servir, quand vous le voudriez. Volcatius, vos délices, les délices de vos amis, vous empêchent de parler d’entrepreneur des blés. Timarchide, l’appui de votre maison, ruine votre défense, puisque la ville d’Halèse lui a compté de l’argent en même temps qu’à Volcatius. Enfin votre greffier avec son anneau d’or, qu’il doit à ses rapines, ne vous permet pas de recourir à ce moyen. Que vous reste-t-il donc, sinon de convenir que vous avez envoyé à Rome du blé acheté avec l’argent de la Sicile, et que l’argent de notre trésor, vous l’avez détourné dans vos coffres ?

Ô habitude de mal faire, que tu as d’attrait pour des hommes pervers et audacieux, quand ils n’ont pas été punis, et que l’impunité a produit la licence ! Ce n’est pas aujourd’hui pour la première fois que Verrès est accusé de ce genre de péculat ; mais c’est d’aujourd’hui enfin qu’il en est convaincu. Lorsqu’il était questeur, nous lui avons vu recevoir de l’argent du trésor pour fournir à l’entretien d’une armée consulaire, et peu de mois après, l’armée et le consul étaient en-