Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Volcatius, à Timarchide, au greffier. Je découvre, juges, une malversation d’une nouvelle espèce : le préteur qui devait acheter du blé n’en achète pas, mais le vend ; l’argent qu’il devait distribuer aux villes, il le détourne, il le garde pour lui. Cela ne me paraissait plus un simple vol, mais un abus énorme et monstrueux : rejeter le blé des villes, accepter le sien ; après avoir accepté ce blé, y mettre un prix ; le prix qu’il y avait mis, le faire payer aux villes ; recevoir de l’argent du peuple romain, et le garder pour soi.

LXXIV. Combien un seul vol ne renferme-t-il pas de genres de malversation ! que si je les développais tous, l’accusé ne pourrait plus faire un pas. Vous rejetez, Verrès, le blé de Sicile. Mais quel blé envoyez-vous donc vous-même ? avez-vous une Sicile particulière, qui puisse vous fournir du blé d’une autre espèce ? Lorsque le sénat statue, et que le peuple ordonne qu’on achètera du blé dans la Sicile, ils entendent, je crois, qu’on doit envoyer de Sicile du blé sicilien. Vous, Verrès, lorsque vous rejetez tout le blé des villes de Sicile, en envoyez-vous à Rome d’Égypte ou de Syrie ? Vous rejetez le blé d’Halèse, de Céphalède, de Thermes, d’Amestra, de Tyndare, d’Herbite, de bien d’autres villes encore. Comment est-il arrivé que les territoires de ces peuples, sous votre préture, portassent du blé d’une espèce qu’ils n’avaient jamais portée auparavant ; du blé qui ne pût être accepté, ni par moi, ni par vous, ni par le peuple romain, surtout lorsque les entrepreneurs des blés avaient envoyé à Rome du blé dîmé de la même année, pris sur les mêmes territoires ? Comment est-il arrivé que, du même grenier, le blé dîme fût accepté, et que le blé acheté ne le fût pas ? Peut-on douter que toute cette manœuvre de rejeter le blé n’ait été un moyen d’extorquer de l’argent ? À la bonne heure, vous rejetez le blé d’Halèse, vous acceptez celui d’un autre peuple ; achetez donc celui qui vous plaît, et laissez les peuples dont vous avez rejeté le blé. Mais vous exigez des villes dont vous ne voulez pas le blé, tout l’argent qui vous est nécessaire pour le blé que vous devez à d’autres. Votre dessein est-il douteux ? Les registres publics d’Halèse m’apprennent que les habitants vous ont donné quinze sesterces[1], par médimne. Ceux des plus riches agriculteurs prouveront que, dans le même temps, personne en Sicile n’a vendu le blé à un plus haut prix.

LXXV. Quelle est donc cette conduite, ou plutôt cette extravagance, de rejeter le blé d’un pays où le sénat et le peuple ont voulu qu’on en achetât, de rejeter le blé pris au même tas dont vous-même avez accepté une partie sous le nom de dîmes ; et ensuite, d’extorquer de l’argent des villes pour acheter du blé, lorsque vous en avez reçu de notre trésor ? La loi Térentia vous ordonnait-elle d’acheter du blé aux Siciliens avec l’argent des Siciliens, ou avec celui du peuple romain ?

Il est facile de voir que l’accusé a détourné à son profit tout l’argent de notre trésor qu’il devait donner aux villes pour le blé : car enfin, Verrès, vous prenez des villes quinze sesterces par médimne, ce qui était alors le prix du médimne ; vous retenez dix-huit sesterces, ce qui est le prix auquel

  1. 37 sous 6 deniers