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étranges principes il faut approuver, si l’on ne veut pas reconnaître que Publius a été représenté en justice. Mais il a été représenté, ses biens n’ont point été saisis aux termes de l’édit. On dira peut-être que les tribuns ont refusé leur intervention. Si cela est, j’avoue que le fondé de pouvoir a dû se soumettre à l’ordonnance du préteur. Mais s’il est vrai que Brutus a dit hautement qu’il interviendrait, à moins qu’il n’y eût conciliation entre Alphénus et Névius, n’est-il pas évident que l’appel aux tribuns a eu pour but, non d’arrêter le cours de la justice, mais d’obtenir une juste protection ?

XXI. Ce n’est pas tout. Alphénus veut apprendre à tout le monde qu’il répond pour son ami. Afin de mettre à l’abri du soupçon sa propre conduite et la loyauté de Publius, il rassemble un grand nombre d’hommes connus par leur probité. En leur présence il conjure Névius, comme ami des deux parties, de n’exercer contre Publius absent aucune rigueur inutile, protestant que s’il continue de le traiter avec l’acharnement d’un ennemi, il prouvera, par toutes les voies honnêtes et légitimes l’injustice de sa demande ; qu’il est prêt a suivre Névius devant les tribunaux, quelque action qu’il veuille intenter. Les témoins, tous gens d’honneur, scellèrent cette déclaration ; elle ne peut faire la matière d’un doute. Le procès n’était point entamé, les biens de Publius n’étaient ni affichés ni saisis, lorsque Alphénus promit que Publius comparaîtrait ; Publius comparaît deux ans entiers, l’affaire reste en suspens, jusqu’à ce qu’on ait trouvé, à force de ruses, le moyen d’en changer la nature, et de la ramener à la question unique ou Névius la renferme aujourd’hui. Je vous le demande, Aquillius, Alphénus n’a-t-il pas rempli tous les devoirs d’un procureur zélé ? Qu’allègue-t-on pour prouver que Publius absent n’a pas été représenté ? Dira-t-on, ce que les insinuations d’Hortensius et les cris répétés de son client voudraient nous persuader, que sous les chefs qui dominaient alors, Névius ne pouvait lutter sans désavantage contre Alphénus ? Si j’en veux convenir, ils m’accorderont, je pense, que Publius avait un défenseur considéré, bien loin de n’en avoir aucun. Mais il me suffit, pour triompher, qu’un fondé de pouvoir ait été prêt à répondre pour lui. Quel crédit avait-il ? c’est ce qui me paraît indifférent, pourvu qu’il défendit l’absent devant la justice et les magistrats. Il était dites-vous, du parti alors tout puissant. — Pourquoi non ? Il avait reçu vos leçons ; vous l’aviez formé des l’enfance à ne pas reculer devant un noble, fût-il gladiateur. Ce que vous désiriez alors ardemment, Alphénus le désirait aussi. Dans cette rivalité de zèle, vous combattiez vraiment à forces égales. Il était, dites-vous, intime ami de Brutus, et voila pourquoi ce tribun intervenait. Vous étiez, vous, l’ami de Burrhiénus qui ordonnait l’injustice ; vous étiez l’ami de tous ceux qui, à la faveur de la violence et du crime, pouvaient beaucoup alors, et osaient tout ce qu’ils pouvaient. Souhaitiez-vous la victoire a tous ces hommes qui se donnent aujourd’hui tant de peine pour vous faire vaincre ? Osez le dire, non pas tout haut, mais à l’oreille de vos