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publique. Je ne vous traiterai pas en accusateur ; je ne supposerai rien ; je ne chercherai à rien persuader à personne que je ne me sois auparavant persuadé à moi-même. Dans cette somme donnée sur le trésor, je vois, juges, trois espèces de vols. D’abord Verrès l’ayant placée sur les compagnies chargées de la lui fournir, en a tiré un intérêt de deux centièmes ; ensuite il n’a rien payé à la plupart des villes pour le blé ; enfin, s’il a payé à quelques villes, il a retenu de la somme tout ce qu’il a voulu ; il n’a remis à aucune d’elles ce qu’il devait lui remettre.

LXXI. Et d’abord, Verrès, je vous le demande, vous à qui, d’après la lettre de Carpinatius, les fermiers de nos domaines ont fait des remerciements : avez-vous trafiqué d’un argent public, qui vous était assigné sur le trésor, sur les revenus du peuple romain ; qui vous était donné pour acheter du blé ? cet argent vous a-t-il rapporté deux centièmes ? Vous le nierez, je n’en doute pas ; l’aveu en serait aussi honteux que dangereux. Je sens combien il est difficile de prouver ce chef d’accusation. Quels témoins invoquerai-je ? les fermiers de nos domaines ? mais Verres les a traités avec honneur : ils se tairont. Produirai-je des lettres ? mais elles ont été soustraites d’après un arrêté des décimateurs. Que ferai-je donc ? faute de témoins et de lettres, passerai-je sous silence un délit aussi grave, et qui annonce tant d’audace et tant d’impudence ? Non, sans doute. Je prendrai pour témoin… Qui ? L. Vettius Chilon, de l’ordre équestre, personnage d’un rare mérite et d’une haute considération. Il est allié de Verrès, et son ami si intime que, quand même il ne serait pas honnête homme, ce qu’il dirait contre lui serait d’un très grand poids ; mais il est si honnête homme que, quand même il serait son ennemi déclaré, on devrait ajouter foi à sa déposition. Verrès paraît interdit ; il est impatient de savoir ce que dira Vettius. Il ne dira rien pour la circonstance, rien de sa propre volonté ; rien de manière qu’il soit libre de le dire ou de ne pas le dire. Il a écrit une lettre en Sicile à Carpinatius, lorsqu’il était chef d’une compagnie de fermiers, chef de la ferme des pâturages publics. J’ai trouvé cette lettre à Syracuse chez Carpinatius, parmi plusieurs autres lettres envoyées de Rome ; je l’ai trouvée à Rome parmi les copies des lettres écrites en province, chez Tullius, un des chefs de la ferme, ami intime de Verrès. Voyez, je vous prie, par cette lettre, avec quelle impudence il a mis à intérêt pour lui-même l’argent du trésor. LETTRE DE L. VETTIUS, L. SERVILIUS, C. ANTISTIUS, CHEFS DE LA FERME. Vous l’entendez, Verrès ; Vettius dit qu’il suivra vos démarches ; qu’il examinera comment vous rendrez vos comptes au trésor : si vous ne remettez pas au peuple l’argent que vous aura produit l’intérêt, il veut que vous le rendiez à la ferme. Pouvons-nous, avec ce témoin, pouvons-nous, avec la lettre de L. Servilius et de C. Antistius, chefs de la ferme, personnages de la première distinction, pouvons-nous, avec le témoignage de la ferme dont nous produisons les lettres, pouvons-nous, dis-je, prouver ce que nous avançons ? ou faut-il chercher encore des preuves plus fortes et plus imposantes ?

LXXII. Vettius, votre intime ami, Vettius, votre allié, dont vous avez épousé la sœur ; Vettius, frère de votre femme, frère de votre questeur, dépose contre vous du vol le plus impudent, du péculat le plus avéré : car quel autre nom donner au trafic criminel des deniers publics ? Lisez LA SUITE DE LA LETTRE. Vous venez