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LXIII. Je ne vous aurais pas fait lire, Romains, la lettre de ce vil esclave, si je n’eusse voulu par là vous faire connaître les principes et les maximes de toute la maison de Verrès. Voyez-vous les avis qu’il donne à Apronius ? voyez-vous par quelles largesses il lui conseille de s’insinuer dans l’amitié de Métellus ; comme il lui recommande de corrompre Vultéius, de gagner par argent les greffiers et les huissiers ? Il lui enseigne ce qu’il a vu ; c’est un étranger à qui il apprend ce qu’il a lui-même appris dans la maison de son maître. Mais il se trompe en un seul point ; c’est de croire qu’on parvient à l’amitié de tout le monde par les mêmes voies. Quoique j’aie des raisons pour n’être pas content de Métellus, je dirai néanmoins ce qui est vrai. Apronius ne pourrait gagner Métellus, comme il a fait Verrès, ni par de l’argent, ni par des festins, ni par des femmes, ni par des propos obscènes et licencieux : moyens par lesquels il s’était, non pas insinué peu à peu et insensiblement dans l’amitié du préteur, mais emparé aussitôt de toute sa personne et de toute sa préture. Pour ce qu’il appelle la cohorte de Métellus, quelle raison avait-il de la corrompre, puisqu’on n’en tirait pas de commissaires contre les agriculteurs ? Timarchide écrit que le fils de Métellus n’est encore qu’un enfant ; mais il se trompe fort : on n’a pas le même accès auprès de tous les fils de préteurs. Non, Timarchide, le fils de Métellus, dans sa province, n’est pas un enfant, mais un jeune homme sage et honnête, digne de son rang et de son nom : quant au jeune fils de Verrès, je ne dirais pas comment il s’est conduit dans la province, si je croyais que ce fût la faute du fils et non celle du père. Quoi ! Verrès, vous vous connaissiez, vous connaissiez votre vie, et vous meniez avec vous en Sicile un fils qui approchait de l’adolescence, en sorte que, son caractère l’eût-il détourné des vices de son père et des désordres de sa famille, l’habitude et l’éducation ne lui eussent pas permis de dégénérer ! En lui supposant le naturel heureux d’un C. Lélius, d’un M. Caton, que peut-on attendre ou que peut-on faire de bon d’un fils qui a vécu au milieu des débauches de son père, qui n’a jamais vu de repas honnête et sobre, qui, durant trois ans, à son âge, s’est trouvé tous les jours à table avec des femmes impudiques et des hommes dissolus ; qui n’a jamais rien entendu de son père qui pût le rendre meilleur et plus sage, ne lui a jamais vu rien faire qu’il pût imiter sans s’attirer le honteux reproche d’être semblable à son père ?

LXIX. Et en cela, Verrès, vous avez fait tort, non seulement à votre fils, mais encore à la république. Non, ce n’était pas pour vous seul, mais pour la patrie, que vous aviez des enfants ; ce n’était pas pour votre seul plaisir, mais pour qu’ils fussent un jour utiles à l’État. Vous auriez dû instruire votre fils et le former sur les maximes de nos ancêtres, d’après les lois de cette ville, et non d’après vos infamies et vos désordres : d’un père lâche, dissolu et pervers, nous aurions un fils actif, sage et vertueux ; la république vous devrait quelque chose. Mais vous donnez à l’État, pour vous remplacer, un autre vous-même : peut-être même il sera pire, s’il est possible ; car vous êtes devenu tel non à l’école d’un père livré à la débauche, mais à celle d’un voleur de deniers publics, d’un corrupteur de suffrages. Que ne devons-nous pas attendre de ce jeune homme, votre fils par la naissance, vo-