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XVIII. Oui, dit-il, mon débiteur a fait défaut, et je n’ai point balancé à publier la saisie de ses biens. C’est agir sans pitié ; mais enfin, puisque vous prétendez avoir ce droit, et que vous voulez en user, nous vous l’accordons. Mais si par hasard il n’y a pas eu défaut ; si ce prétexte n’est qu’une noirceur et une perfidie tout entière de votre invention ; s’il n’y a eu entre Publius et vous aucun engagement de comparaître, comment faut-il vous appeler ? Un méchant homme ? mais, eût-on réellement fait défaut, c’est être plus que méchant de saisir et d’afficher les biens de son adversaire. Un homme rusé ? vous ne vous en défendez pas. Un fourbe ? c’est un titre que vous aimez, dont vous faites gloire. Un audacieux, un avare, un perfide ? ces noms sont usés et vulgaires, votre action est nouvelle, inouïe. Que dirai-je donc ? Oui, je crains que la dureté de mes expressions ne révolte la nature, ou que leur faiblesse ne trahisse ma cause. Vous dites que Publius a manqué à un ajournement. Publius vous a demandé, aussitôt son retour à Rome, quand cet ajournement avait été consenti. Le 5 février, répondîtes-vous. En vous quittant, Publius cherche dans sa mémoire l’époque où il est parti de Rome pour la Gaule. Il consulte son journal : il trouve que c’est le dernier jour de janvier. Si Publius était à Rome le 5 février, nous n’avons plus rien à dire ; il a consenti l’ajournement. Mais comment s’en assurer ? L. Albius, homme de la première distinction, partit avec lui : il déposera devant ce tribunal. Tous deux furent conduits par leurs amis, qui déposeront également. Les lettres de Publius, cette foule de témoins, qui tous ont dû connaître le fait, et n’ont aucune raison de tromper, seront comparés avec celui qui vous prête son témoignage. Et avec de telles preuves, Publius ne serait pas tranquille ! il ressentirait plus longtemps les tourments de la crainte ! le crédit de son adversaire lui causerait plus d’alarmes que l’équité de son juge ne lui apporte de consolation ! Il a toujours mené une vie simple et presque sauvage ; son caractère est sérieux et ami de la solitude ; on ne l’a jamais vu dans les promenades, au champ de Mars, dans les festins ; il s’est appliqué à conserver ses amis par de justes égards, son bien par une sévère économie ; il fut toujours attaché aux mœurs antiques, dont la noble franchise n’est plus de mode aujourd’hui. Oui, un tel homme n’eût-il que des titres égaux à ceux qu’on lui oppose, on gémirait de le voir succomber. Mais sa cause est évidemment la plus juste ; et cependant il ne prétend pas aux mêmes privilèges que son adversaire. Il veut bien être moins favorisé, pourvu toutefois qu’on ne le livre pas, lui, sa réputation et toute sa fortune, à l’avarice et à la cruauté de Névius.

XIX. J’ai tenu, C. Aquillius, ce que j’avais promis d’abord : j’ai fait voir que Névius n’avait aucun motif pour demander la saisie, parce qu’on ne lui devait rien, et que, quand on lui aurait dû, on n’a rien fait pour le pousser à cette extrémité. Maintenant remarquez, je vous prie, que les biens de Publius n’ont pu être saisis aux termes de l’édit du préteur. Greffier, lisez l’édit : Celui qui se sera cache pour frustrer son créancier… Ce n’est pas Publius, à moins que ce ne soit se cacher que d’aller à ses affaires en laissant un fondé de pouvoir. Celui qui n’aura point d’héritier connu… Ce n’est pas encore