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persécuté les commerçants : ils viennent rarement à Rome, et c’est malgré eux qu’ils y viennent. Vous avez livré les chevaliers romains aux vexations d’Apronius : en quoi peuvent-ils vous nuire à présent qu’ils ne sont plus au nombre des juges ? Mais lorsque vous faites endurer les derniers outrages à un sénateur, n’est-ce pas comme si vous disiez : Donnez-moi encore ce sénateur ; je veux que cet auguste nom paraisse fait pour être en butte, non seulement à la haine des ignorants, mais encore aux outrages des pervers ? Et Brocchus n’est pas le seul que Verrès ait traité ainsi : il s’est conduit de même avec tous les sénateurs, au point que le nom de cet ordre attirait moins ses égards que ses insultes. La première année de sa préture, à l’époque même où C. Cassius, cet illustre et courageux citoyen était consul, quel outrage ne lui a-t-il pas fait ? Son épouse, femme de la première distinction, possédait, dans le pays des Léontins, des champs qui étaient son patrimoine : il a fait enlever tout son blé sous prétexte des dîmes. Vous aurez, Verrès, Cassius pour témoin dans cette cause, puisque vous avez eu la prévoyance de ne pas l’avoir pour juge. Vous, Romains, qui nous jugez, vous devez vous persuader qu’il existe entre nous des rapports communs qui nous unissent. Notre ordre porte le poids de bien des charges, de bien des travaux ; il est exposé, non seulement à une foule de lois et de procédures rigoureuses, mais à beaucoup de bruits fâcheux et de conjonctures critiques. Placés en quelque sorte dans un lieu découvert et élevé, nous sommes battus par tous les orages de la prévention et de la haine. Au milieu de tous les dangers d’une telle position, ne conserverons-nous pas même, Romains, la prérogative de n’être point regardés par nos magistrats comme dignes de tous les mépris, quand nous poursuivons nos droits ?

XLII. Les Thermitains avaient envoyé des députés pour prendre les dîmes de leur territoire : ils jugeaient plus de leur intérêt que la ville les prît, même bien au-dessus de leur valeur, que de les voir tomber entre les mains d’un émissaire de Verrès. On avait aposté un certain Vénuleius pour les prendre à ferme. Il ne cessait pas d’enchérir. Les Thermitains enchérissaient aussi tant que l’enchère paraissait tolérable. ils renoncèrent enfin. Les dîmes sont adjugées à Vénuléius pour huit mille boisseaux de blé. Possidore, un des députés, fait son rapport. Il n’y avait personne qui ne trouvât la chose révoltante ; cependant on donne à Vénuléius, pour se garantir de ses vexations, outre les huit mille boisseaux, deux mille sesterces[1] : d’où l’on voit aisément quel était le salaire du décimateur et le butin du préteur. Lisez les registres des Thermitains et la déposition de leurs députés. REGISTRES ET DÉPOSITION DES THERMITAINS.

Vous avez forcé, Verrès, les malheureux habitants d’Imachara, déjà dépouillés de tout leur blé, ruinés par toutes vos vexations ; vous les avez forcés de payer un tribut, de donner vingt mille sesterces[2] à Apronius. Lisez le décret sur le tribut, et la déposition des députés d’Imachara. SÉNATUS-CONSULTE CONCERNANT LE TRIBUT. DÉPOSITION DES DÉPUTÉS D’IMACHARA.

Quoique les dîmes du territoire d’Enna eussent été affermées trois mille deux cents médimnes, les habitants ont été forcés de donner à Apronius dix-huit mille boisseaux et trois mille sesterces[3].

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